Samedi 1er août 1885

De Une correspondance familiale

Lettre de d’Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Portrieux en Bretagne)


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Samedi[1]

Ma fille chérie, voici un bien long silence, et cependant j’aurais aimé à venir causer avec toi en ces jours de deuil. Tes lettres m’ont fait un bien grand plaisir, il me semblait t’avoir près de moi, et cela me paraissait bien doux. L’arrivée de ton mari[2] ne m’a pas étonnée, j’étais bien sûre qu’il voudrait s’associer particulièrement à notre chagrin ; et sa démarche nous a touchés. Nous venons, ma chère fille, de passer en effet par des jours bien tristes, les émotions se sont succédées ; et maintenant il nous semble que nous avons fait un mauvais rêve ; mais hélas non, tout est là pour nous prouver que c’est bien la réalité. Cette chambre que nous ne quittions pas est maintenant vide, et la maison nous paraît bien grande. Louise[3] et Marthe restent avec nous jusqu’à ce que nous quittions Paris, il nous serait trop pénible de nous séparer en ce moment. Ton pauvre oncle[4] est bien fatigué, et cependant il s’occupe toujours, et grâce à son activité tout se fait parfaitement. La  pauvre petite Marthe est profondément triste, elle a un vrai chagrin ; tu sais comme elle aimait son bon-papa ; aussi tu dois comprendre ce qu’elle souffre de penser qu’il nous a quittés. Son désir ardent est de vivre le plus possible en famille, et la chère petite se rapproche tant qu’elle peut de nous.

Ton invitation est bien tentante, et je crois que nous succomberons, et que nous nous donnerons la joie d’aller vous voir quelques jours ; mais nous pensons en quittant Paris nous arrêter quelques jours à Launay ; ce sera un moment de retraite qui conviendra tout à fait à la aux pensées tristes qui ne nous quittent pas. Puis après nous irons nous avec bonheur vous embrasser, Marthe viendrait sans doute avec nous à Launay ; puis à Saint-Brieuc avec sa maman chez les demoiselles de Geslin[5]. Quant à la pauvre Cécile[6] elle ne pourra pas quitter Paris ; voulant rester avec Ernest qui est revenu des eaux pour la triste cérémonie. Ton mari viendra déjeuner avec nous demain, ce qui nous réjouit, puis Émilie[7] passera avec nous la journée car son mari part ce soir pour Campagne.

Si tu savais comme tu nous manques et comme je serai heureuse de t’embrasser.

Adieu ma fille chérie, je t’embrasse bien tendrement ainsi que tes 3 chéris[8].

Mille choses affectueuses à Mme de Fréville[9] et Mme de la Serre[10].

AME


Notes

  1. Lettre sur papier-deuil, non datée, écrite juste après la mort d’Henri Milne-Edwards (le 29 juillet 1885).
  2. Marcel de Fréville.
  3. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille et mère de Marthe.
  4. Alphonse Milne-Edwards, qui vient de perdre son père.
  5. Probablement Marthe, Jeanne et Hélène Geslin de Bourgogne, qui ne sont pas encore au couvent.
  6. Cécile Milne-Edwards, épouse Ernest Charles Jean Baptiste Dumas ("Ernest").
  7. Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart et sœur de Marie.
  8. Les trois enfants de Marie : Jeanne, Robert et Charles de Fréville.
  9. Sophie Villermé, veuve d’Ernest de Fréville, belle-mère de Marie Mertzdorff.
  10. Louise de Fréville, épouse de Roger Charles Maurice Barbier de la Serre, belle-sœur de Marie Mertzdorff.


Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Samedi 1er août 1885. Lettre de d’Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Le Houssay dans l’Orne ?) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_1er_ao%C3%BBt_1885&oldid=53807 (accédée le 15 novembre 2024).

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