Printemps 1917

De Une correspondance familiale


Lettre de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (au front)


original de la lettre printemps 1917 page 1.jpg original de la lettre printemps 1917 page 2.jpg


Mon cher Louis[1]

Nous avons vu ce soir le plus jeune des Duval-Arnould[2] qui venait consulter Michel[3] sur le cours de Fontainebleau : il a été désigné proposé par son corps pour venir, du front, suivre des cours spéciaux ? à Fontainebleau par application de la circulaire du 22 Février 1916, bien qu’il ne soit que Brigadier (dans les canons de tranchée). Cela m’a amené à regarder cette circulaire où il est bien prévu ce qui suit : « Le général en chef pourra envoyer au cours destiné aux candidats admis au concours de l’Intérieur (c'est-à-dire au cours des élèves aspirants) des militaires de tous grades, de l’artillerie, remplissant les conditions ci-après :
1° posséder les connaissances générales demandées aux candidats de l’intérieur ; le degré d’instruction des candidats sera certifié par le commandant d’unité sans qu’il y ait à procéder à un examen complet
2° être susceptible de devenir officier d’artillerie
3° ne pas avoir pris part à un concours d’élèves aspirants d’artillerie
4° réaliser [moins] de 12 mois de grade de sous-officier (condition qui paraît particulièrement facile pour les [simples canonniers])

La liste et les dossiers des militaires dont la candidature aura été retenue par les généraux commandant en chef doivent parvenir au ministère de la guerre (Direction de l’artillerie) le 5 mars.
Ces militaires seront prévenus, en temps utile, de la date à laquelle ils auront à se présenter à l’Ecole de Fontainebleau. Dans la 1ère semaine de leur présence à cette école, ils subiront un examen probatoire sur les Connaissances générales du Concours de l’Intérieur
savoir : Histoire. France et Europe à partir de 1789
Géographie. France et Europe. Colonies Françaises.
Arithmétique. arithmétique élémentaire, proportions, problème d’alliage, d’intérêts, etc.
Algèbre. Algèbre élémentaire jusqu’aux problèmes du 2e degré inclus.
Géométrie. Géométrie plane élémentaire.
Ceux d’entre eux qui ne satisferont pas à cet examen seront immédiatement renvoyés dans leurs formations aux armées. »
Signé Le Colonel [Dv] de l’artillerie
signé : Coffec[4]

En voyant cela, nous nous sommes demandé d’abord Michel et moi s’il est inscrit sur ton livret (écris-le moi après vérification sur ton livret matricule) que tu as, en 1916, pris part à un concours d’élèves aspirants ? Sinon ton capitaine l’ignorant pouvait te proposer et le pourrait si l’occasion se représente. Or quelqu’un me disait il y a un mois qu’il fallait trouver 5 000 officiers d’artillerie d’ici au 1er Novembre : il faut donc prévoir que d’autres cas peuvent se présenter.

Même s’il était inscrit sur ton livret que tu t’es présenté, on peut admettre, avec un peu de bonne volonté, que la circulaire ci-dessus n’exclut que ceux qui, militaires [aux dépôts], se sont présentés sur concours d’aspirant qui fait l’objet de la même circulaire c’est à dire en 1917.

Enfin si ton livret, comme c’est probable mentionne ta réforme temporaire, tu peux dire que ta santé ne te permettait pas encore au printemps de 1916 de prendre part à ce concours dans des conditions raisonnables, qu’on t’a inscrit d’office pour subir ce concours en 1916 parce que tu étais inscrit pour le subir en 1915 quand on a dû te trépaner.

Sans doute le programme sur lequel on pensait devoir examiner les proposés à leur arrivée à Fontainebleau, est le même que tu avais l’an dernier comme élève aspirant mais j’ai le sentiment que les candidats subissent, un peu, un examen de pure forme et si, au pis aller, on te renvoyait à ton corps, ta situation ne serait pas bien fâcheuse. De toutes façons il est trop tard pour cette [série] apparemment, mais n’y aura-t-il pas dans 3 mois quelque examen semblable qui te permettrait de sortir de l’ornière ?

Conclusion pratique 1° dans la mesure du possible, revoir les matières du programme pour ne pas te rouiller et pour être apte, [au contraire], à subir l’examen. 2° à l’occasion, en parler au commandant Marc.

C’est par une pratique révoltante qu’on tiendrait éloigné indéfiniment du grade d’aspirant un artilleur qui a, une fois dans sa vie, été recalé à un examen, et qu’on lui préfèrerait un artilleur quelconque dont la supériorité serait de ne pas s’être présenté à l’examen d’aspirant. Peut-être n’as-tu aucun des livres qu’il te faudrait pour travailler [à tes nouvelles] : lequel veux-tu que nous t’envoyions d’abord ?

Tu ne nous dis rien de tes occupations professionnelles. Je présume que tu es redevenu « téléphoniste », faute de quoi quelqu’un qui a donné hier de tes nouvelles par sa femme, n’aurait guère d’occasion de te voir.

Je [ ] que tu as reçu mes cartes et aussi, que tu as besoin de celle de Rethel ! Ce qui serait la preuve d’un mouvement sérieux en avant,

Amitiés

DF


Notes

  1. Cette lettre, non datée, a été écrite en 1917, avant le 21 avril (lettre dans laquelle Damas Froissart dit à son fils : « Je pense que tu as reçu les 2 lettre successives où je te parlais d’avancement ».
  2. Marc Duval-Arnould.
  3. Michel Froissart, frère de Louis.
  4. Frédéric Mathieu Marie Coffec (1865-1938).

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Printemps 1917. Lettre de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (au front) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Printemps_1917&oldid=53829 (accédée le 21 novembre 2024).

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