Mi-juillet 1862
Lettre de Jean Charles Moreau, curé de Saint Médard (Paris) à Adèle Duméril (Paris)
Réponse de M. Moreau, Curé de St Médard,
à la lettre d’Adèle Duméril, lui annonçant
la mort de sa cousine, Caroline Mertzdorff,
décédée le 7 Juillet 1862, à l’âge de 26 ans, 2 mois.
Chère Adèle,
Comment répondre à votre lettre ? Quelle nouvelle foudroyante, je lis, tout à coup, dans cette petite feuille d’enfant bien aimée, dont le nom, lu et recherché, tout d’abord, m’avait promis tant de bonheur ! Est-il donc vrai, est-il possible que notre bonne et regrettable Caroline, elle, la jeune femme si parfaite, la fille, l’épouse, la mère, si précieuse, l’amie si vraie, si accomplie, environnée de tant de saintes et nobles affections, donnant à tous tant de bonheur et tant de belles espérances ; elle, visiblement, évidemment bénie du Ciel, et de la terre, je dis, au moins, de tous ceux qui, ici-bas, l’ont vue et connue ; est-il possible que notre Caroline, si jeune, si forte, il semblait, si bien plantée dans la vie, si bien protégée et défendue, de tous les côtés, ne soit plus ; qu’elle ait dû tout à coup tomber sous les étreintes d’un mal, qui pourtant semblait vaincu. Quel évènement, quel coup affreux, mon Dieu ! C’est à en tomber soi-même comme anéanti ! Elle, la chère et bien-aimée enfant, n’en est que plus vivante que jamais, je le sais, et c’est notre consolation, sans doute, à nous, qui, l’ayant perdue, restons encore sur cette terre, de mort et de douleur. Pourtant, combien je plains, non plus elle, assurément, qui n’a plus à souffrir, plus à se tourmenter : elle voit Dieu, elle voit sa famille, et, toute à lui comme toute à elle, elle aime et elle prie : quelle plus belle et plus douce vie que celle-là ? Je ne plains donc point la chère et bonne Caroline, mais combien je plains ceux qui la pleurent, ceux qu’elle a laissés sur cette terre, qui ne la voient plus, qui ne l’entendent plus, elle, si aimante et si aimée !
Toutefois, à vous tous, époux[1], petits enfants[2] charmants, père[3], mère[4], grand-mère[5], frère[6], tendre cousine[7], et presque sœur, à force de tendresse, tous ses parents, tous ses amis, amis et parents de Caroline, oui, je vous plains de toute mon âme ! mais consolez-vous néanmoins, car, voyez-vous, celle que vous pleurez n’est point perdue, elle est à vous, au contraire, plus que jamais. Elle prie pour vous, elle prie pour tous, et comme elle est aussi tout à Dieu, Dieu l’entend et l’exauce. Ainsi, ma bonne et chère Adèle, ne vous désolez point à l’excès : Caroline nous a été retirée, mais elle ne nous a pas quittés : elle nous voit, elle nous entend, elle nous suit, elle nous environne de ses soins affectueux et purifiés ; elle prépare nos places auprès d’elle, pour le jour, tant désiré par, elle, où une fois réunis tous à elle, nous n’aurons plus à nous voir, ni à nous sentir séparés à jamais.
En attendant ce beau et éternel jour du Ciel, imitons, de notre mieux, les exemples si pieux, si sages et si parfaits, que nous a laissés notre bonne Caroline, sur la terre.
Adieu, Adèle, mon enfant. Tout à vous et à votre famille. Vous savez combien je vous aime et vous bénis tous.
CH. Moreau Chanoine.
Notes
Notice bibliographique
D’après le livre de copies : Lettres de Monsieur Auguste Duméril 2me volume (pages 672-674)
Pour citer cette page
« Mi-juillet 1862. Lettre de Jean Charles Moreau, curé St Médard (Paris) à Adèle Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mi-juillet_1862&oldid=48220 (accédée le 23 novembre 2024).
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