Mercredi 7 juin 1876

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1876-06-07 pages 1-4.jpg Fs1876-06-07 pages2-3.jpg


Paris le 7 Juin 1876.

Mon Père chéri,

Je reçois à l’instant ta bonne lettre ; pauvre petit père, tu as eu de bien tristes fêtes de la Pentecôte et certainement notre sort était plus à envier que le tien ; c’est vraiment affreux pour ce pauvre M. Laroze[1] et surtout pour sa femme et ses enfants ; tu as dû éprouver un vrai soulagement en le voyant s’éloigner car avoir chez soi de telles personnes c’est une préoccupation de tous les instants. Si cette première nouvelle que contenait ta lettre nous a attristées l’autre par contre nous a bien amusées. M. Jules André se marier, cela me paraît si drôle que je suis comme les Vieux-Thannois je ne puis y croire. Sa future femme[2] le connaît-elle bien au moins ? et penses-tu qu’il puisse tout à fait rompre avec son ami du canon d’or ? Quel vent de mariage a donc soufflé sur la maison ? Bientôt ce sera le tour de nos amies[3] puis ensuite de Louis[4] peut-être ?

Nous voilà maintenant revenus à Paris et je t’assure que ce n’est pas sans quelques regrets. Launay était si joli et nous nous y amusions tant ! Nos deux derniers jours se sont aussi bien passés que les premiers ; Lundi matin nous avons été avec bon-papa Duméril[5] et oncle[6] faire une grande promenade au coupe-gorge et dans les environs et nous nous sommes à moitié perdus ce qui ne nous a pas empêchés de nous amuser beaucoup (je négligerai à l’avenir de répéter cette phrase tu sais que c’est le refrain qui doit suivre chacune de mes énumérations). Mon père chéri ce crayon doit te dire que nous sommes au cours ; on fait un concours d’arithmétique pour les [premières] ce sont des problèmes sur les intérêts composés ; Mlle Lecoq très galamment vient de me les passer avec du papier afin que je les essaie ce que je viens de faire mais hélas je suis forcée de t’avouer que je ne les ai pas trouvés vite et que je me contente de les avoir compris sans faire les opérations qui du reste dans ces sortes de problèmes sont fort ennuyeuses.

Mais je reprends le récit de notre petit voyage. Lundi après le déjeuner l’omnibus est venu nous prendre et nous avons tous été (sauf oncle et Jean[7], qui sont restés à dénicher des pies) au château de M. Desmons que nous avons visité en détail, ce pauvre homme est dans la plus grande gêne au milieu de ses admirables objets d’art il fait vraiment de la peine ; il aspire à vendre mais je ne sais s’il pourra y parvenir il en voudrait 150 000 F. De là nous avons fait le tour de la ville, on construit une grande caserne sur le haut de la colline auprès du château ce qui n’embellit guère le paysage. Le soir après le dîner oncle nous a bien diverties ; d’abord il était un pauvre malade d’une faiblesse extrême qu’Emilie[8] et moi nous soutenions mais qui malgré nos efforts tombait à chaque pas puis ensuite il est devenu un orchestre charmant qui nous a fait danser non pas au son du piano [ ] mais en sifflant et en s’accompagnant avec une clef et une pincette.

Hier je suis descendue à Nogent avec bon-papa Duméril et nous avons visité la ville en détail puis après le déjeuner nous détruit une immense fourmilière d’abord pour le feu puis par l’eau. Nous avons quitté Launay à 9h et nous [étions] rentrés chez nous à 11h. Ce matin nous avons déjà pris notre leçon d’anglais[9].

Adieu, mon papa chéri, j’ai vraiment [ ] [ saleté de cette lettre] [ ]

Ta fille qui t’aime de tout son cœur
Marie


Notes

  1. Jean François Laroze, époux de Pauline Nicolas et père de Jeanne et Marie Thérèse Laroze.
  2. Mademoiselle Buisson.
  3. Marie et Hélène Berger.
  4. Louis Jules Berger, 18 ans.
  5. Louis Daniel Constant Duméril.
  6. Alphonse Milne-Edwards.
  7. Jean Dumas.
  8. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  9. Professeur d’anglais : Céline Silvestre de Sacy, épouse de Frédéric Foussé.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 7 juin 1876. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_7_juin_1876&oldid=35231 (accédée le 10 décembre 2024).

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