Mercredi 24 février 1875

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)

original de la lettre 1875-02-24 pages 1-4.jpg original de la lettre 1875-02-24 pages 2-3.jpg


Rassure toi Ma chère Marie je lis très bien tout ce que tu me dis & le lis avec beaucoup plus de plaisir que tu ne l’écris ; ce n’est pas un reproche que je fais, car je sais bien que le papa n’est pas oublié & qu’il est aussi bien aimé. Mais avoir une lettre de Paris cela fait oublier bien des choses que auxquelles l’on pense souvent & que vos bonnes petites lettres refoulent au loin.

Me voilà tout à fait remis il n’est plus question de toux ou autre bobo ; cependant il y a bien des malades en ce moment ici.

Soir & matin il fait des froids de 5 à 10° & dans la journée le soleil est assez chaud aussi voit-on dans les vignes quantité d’ouvriers qui travaillent. Pas de neige mais le baromètre est bien bas, il est probable qu’il l’annonce, ce qui ne serait pas un mal, s’il n’y en a pas de trop.

Je ne puis pas croire que je sois resté 8 jours sans vous écrire, il faut qu’une lettre se soit égarée.

Je me fais peut-être illusion, mais il me semblait que je vous écrivais chronométriquement. Cependant je ne demande pas mieux que de me réformer un peu & c’est pour cela que j’écris aujourd’hui que j’ai un bon moment. Demain Jeudi il est fort possible que Léon[1] qui est à la bourse aujourd’hui vienne demain matin pour passer la journée avec moi ici & Vendredi j’ai le projet d’aller à Morschwiller où je n’ai pas encore été depuis mon retour.

Tout naturellement tous les mauvais sujets alsaciens qui étaient dans les prisons, bagnes, etc. en France ont opté pour l’Allemagne, où l’on s’est empressé de les mettre en liberté aussi depuis quelques temps les vols sont considérables & voilà plusieurs grosses Caisses en fer que l’on dévalise ce qui n’est pas gai pour les propriétaires.

Aussi l’oncle Georges[2] fait-il en ce moment consolider la sienne du bureau & moi-même je vais faire installer une sonnerie électrique & un télégraphe pour les magasins.

Il est vrai que la police vient de faire une razzia d’une 10ne de voleurs, de premier mérite ce qui va arrêter un peu ces exploits. Dans notre vallée par contre tout serait parfaitement tranquille, si nous n’avions parfois quelques vilaines scènes des fonctionnaires prussiens. Si ces gens sont forts dans l’art de faire la guerre, ils le sont bien moins dans la vie habituelle.

Notre pauvre Kreisel vient d’en faire l’expérience à son grand préjudice, logeant le 1er employé de la douane dans sa maison. Il est bon de voir ces gens de fort loin, car de près ils ne gagnent pas à être connus.

Si j’ai un moment demain Matin j’irai faire une petite visite à nos sœurs de l’école & inspecter l’Ouvroir. J’aurai soin de t’adresser mon rapport.

A l’instant je reçois une invitation de M. L. Berger[3] pour le dîner de Dimanche prochain. je comptais avoir les Duméril[4] & je n’ai pas encore répondu, mais il me semble difficile de refuser.

Mes pauvres Dimanches ! à faire mes comptes ou coller des cartes.

En ce moment le Jardinier[5] défonce le potager pour détruire les courtilières qui lui font toujours tant de mal.

La serre n’est pas mal, il y a beaucoup de plantes, mais bien peu de fleurs. l’on serait bien embarrassé de faire un bouquet ; mais sans cela le Jardin est en Ordre, il a retourné quelques pelouses & je crois que cette année il sera plus agréable que l’année passée où il y avait trop d’ombre.

A la fabrique l’on travaille régulièrement & même Pétrus est surchargé de besogne ; il veille tous les soirs jusqu’à 8h & il ne suit pas. Il faudra bien lui donner plus de machines. Voilà les pièces allemandes qui viennent en masse se faire blanchir ici, c’est ce que j’espérais et nous finirons pour <   >

Me voilà déjà au bout de mon papier & s’il n’était 7h soir je prendrais une nouvelle feuille ce sera pour Samedi. Distribue pour moi des baisers tout à l’entour de toi car je t’en envoie une bonne provision. Ton père qui t’aime

Charles Mff.

L’on m’assure que M. le Curé[6] fera faire la 1re communion dans une 15e de jours. probablement après il nous quittera. Le curé futur de Vieux-Thann n’est pas connu, l’on parle de celui de Leimbach[7] ?

A l’instant je reçois le nouveau consentement au Mariage à remettre à Mme Festugière[8], je désire que cette fois l’on ne se soit pas trompé de nom, car cela coûte cher. La pauvre Mme Festugière aura encore à faire faire nouvelle traduction.


Notes

  1. Léon Duméril.
  2. Georges Heuchel.
  3. Louis Berger.
  4. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  5. Hypothèse : Édouard Canus.
  6. François Xavier Hun.
  7. Théodore Abt est curé de Leimbach depuis 1870.
  8. Cécile Target, veuve de Georges Jean Festugière ; les papiers concernent le futur mariage de sa protégée Marie Anne Communaux.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 24 février 1875. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_24_f%C3%A9vrier_1875&oldid=60321 (accédée le 15 novembre 2024).

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