Mercredi 24 et jeudi 25 avril 1878

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)


original de la lettre 1878-04-25A pages 1-4.jpg original de la lettre 1878-04-25A pages 2-3.jpg


Jeudi matin 25 avril 78
Mercredi soir.

Que de reproches je me fais ma chérie & chérissima Marie d’avoir tardé si longtemps sans vous[1] donner de mes nouvelles.

Comme tu l’as vu par ma longue lettre écrite à ta sœur & qu’elle a dû recevoir ce matin même, je n’étais ni malade, ni rien de ce que tu supposais, j’étais assez occupé, je me suis occupé pendant mes fêtes où je n’étais pas dérangé ce qui me va. Aussi pour mon jour de Pâques je n’ai pas quitté ma robe de chambre & c’est même dans ce costume que j’étais à prendre des mesures à la teinturerie & comme le costume n’est pas très commode pour grimper les échelles & fureter dans les machines, je suis resté en manche de chemises une petite demi-heure, il faisait si chaud & je faisais un métier que je n’ai pas l’habitude de faire & qu’il m’arrive aujourd’hui bien rarement de grimper & c’est heureux car cette gymnastique ne me va plus.
Les semaines passent vite lorsque l’on voudrait

Ma lettre d’hier a dû vous dire tout ce qui s’est passé d’intéressant au village & depuis je ne vois absolument rien de plus à te dire.
Depuis quelques jours M. Le Maire[2] est occupé de son presbytère, je ne suis pas très content du plan qu’a fait son architecte, tandis que M. Berger[3] l’approuve ;
Ce pauvre M. Zimmermann voudrait faire pour le mieux & ce mieux est toujours difficile.
Tu sais que non seulement je donne la place mais je m’engage à acheter l’ancien presbytère s’il n’y a pas d’amateurs ce qui n’est pas probable. Mais il faut de l’argent & cela même ne suffit pas, mais je ne ferai pas plus.  
Par contre je ne suis pas fâché d’avoir la Maison Misswald[4] elle est grande a un beau Jardin & passant par derrière, elle est bien près de la fabrique. Je ne l’ai pas vu encore, mais je suppose qu’il y aura pas mal à y réparer.

Georges[5] a déjà fait son projet pour le rez-de-chaussée qu’il habitera. Son mariage est provisoirement fixé pour mi Juin.

Bon-papa & bonne-maman[6] ne savent pas encore pour quelle époque ils iront à Paris, cela dépendra un peu de M. Auguste[7] qui est attendu au moulin. Combien de temps restera-t-il ici. D’ici ira-t-il à Paris, il paraît que l’exposition ne l’intéresse pas beaucoup. En ce moment il est auprès de sa fille[8].  
De plus cela dépendra un peu de ce que nous ferons ? ---

Je t’écrivais lorsque j’ai vu entrer un allemand, armé de pied en cap de calicots. Peur m’en a pris, je me suis sauvé comme un lâche & ce sont Messieurs Léon[9] & Jaeglé[10] principalement le premier qui a été attaché à la Galère.
Je me suis sauvé sans ma lettre & c’est pourquoi je suis si en retard il est une heure passé & tu sais Melcher[11] n’aime pas faire attendre son café.

Il paraît que les Berger sont très fâchés de ce que la Maison Misswald soit vendue, à ce que disent, les On-dit.

Je suis persuadé que ma lettre est entre vos mains, mais j’écris de nouveau pour être sûr que vous ne restez pas plus longtemps sans nouvelles de votre père si négligeant & qui cependant ne fait que penser à ses filles chérie.

Je sais qu’au Moulin l’on va bien, à peu près tous les après-midi bonne-maman est auprès du jeune ménage[12] qui lui aussi va bien. la petite va bien mais a une mauvaise habitude. Tous les jours elle réclame un [Kigss], elle ne les aime cependant pas. mais c’est dans sa nature. Nature rebelle car voilà longtemps que cela dure & bonne-maman Stackler[13] qui est l’exécuteur n’est pas trop contente.

La campagne est belle, le jardin magnifique, presque tous les arbres en fleur. Tout est si frais si jeune je me passerais volontiers de fruits si l’on pouvait conserver ces fleurs.

Ce matin dès 5 h nous avons eu les processions de la Sainte Marie. On les fait de si bonne heure pour les fabriques & les écoles. Je t’embrasse bien ma chérie, de même ta sœur.

Tout à toi
ChsMff


Notes

  1. Marie et sa sœur Emilie Mertzdorff.
  2. Thiébaut Zimmermann.
  3. Louis Berger.
  4. Louis Misswald (1783-1863), fabricant textile, maire de Vieux-Thann (1821-1834).
  5. Georges Duméril, qui va épouser Maria Lomüller.
  6. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril qui vivent au Moulin à Vieux-Thann.
  7. Charles Auguste Duméril.
  8. Clotilde Duméril, épouse de Charles Courtin de Torsay.
  9. Léon Duméril.
  10. Frédéric Eugène Jaeglé.
  11. Melchior Neef, concierge de Charles Mertzdorff.
  12. Léon Duméril, son épouse Marie Stackler et leur fille Hélène Duméril.
  13. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 24 et jeudi 25 avril 1878. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_24_et_jeudi_25_avril_1878&oldid=41178 (accédée le 15 novembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.