Mercredi 23 novembre 1859

De Une correspondance familiale

Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre)

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Vieux-Thann

23 Novembre 1859

Ma chère Isabelle

Ne m'as-tu pas oubliée depuis si longtemps que notre correspondance est interrompue ; j'espère pourtant bien qu'il n'en est pas ainsi et que tu as toujours un souvenir pour la vieille Crol d'autrefois. Quant à moi, sois-en sûre, je pense bien bien souvent à toi, à ton père[1], à toute notre chère famille du Havre[2], mais je ne sais comment je suis toujours si en retard pour les lettres mêmes que je désirerais le plus écrire ; la faute en est beaucoup à Mlle Mimi[3] qui absorbe toutes mes journées, tu ne saurais croire combien cette enfant m'occupe et quelles joies elle me donne. Elle a maintenant 7 mois passés, elle est si forte, si bien portante que c'est plaisir de la voir ; chaque jour amène un progrès dans sa petite intelligence, elle nous connaît à merveille son père[4] et moi et nous tend les bras de loin, c'est une occupation et un bonheur pour nous tous que cette enfant. Papa et maman[5] qui sont au Vieux-Thann déjà depuis quelque temps raffolent de leur petite-fille et ma belle-mère[6] n'en est pas moins occupée, enfin nous sommes tous un peu fous.

Tu comprends, ma chère Isabelle que je mets un bien vif intérêt à tout ce qui vous concerne et les nouvelles que je puis avoir du Havre me rendent fort heureuse ; malheureusement elles sont un peu rares et ne me viennent guère que par le canal de Paris ; tu serais bien gentille, si tu me tenais, toi, un peu au courant de ce qui vous arrive et de ce que vous faites. Je sais que Lionel[7] va au collège, que pense-t-il de cette nouvelle vie et comment s'en trouve-t-il. Quant à toi, chère Isabelle, je suppose que tes occupations sont toujours à peu près les mêmes, mais grâce à tes 18 ans tu vas, je pense, aller un peu dans le monde cet hiver, je souhaite que tu t'y amuses et que tu passes une bonne saison. Notre vie à nous est tout à fait calme et retirée comme elle peut être dans un village ; mais je ne m'en plains pas, bien au contraire ; dans mon ménage que je ne quitte guère avec mimi et surtout dans ce moment avec mes chers parents je suis aussi heureuse qu'on peut l'être. Je te dirai que Léon[8] va rester avec nous ; mon bon mari le garde ici pour le mettre au courant des affaires et j'ai tout espoir de le voir tout à fait fixé, un jour, à Vieux-Thann.

Je me suis rappelée que ton bon père, pendant que j'étais au Havre, aimait beaucoup à prendre du miel le matin à son déjeuner et que vous aviez même quelque peine à vous en procurer. Ces jours-ci, à la ferme on vient d'en récolter une corbeille plus belle que de coutume et Charles et moi avons eu l'idée de prier M. Latham de vouloir bien accepter et goûter cet échantillon de nos produits de l'Ochsenfeld[9] ; c'est bien peu de chose mais je serais toute contente si ton père le trouve bon.

La corbeille a été emballée avec grand soin et nous espérons qu'elle arrivera en bon état.

Adieu, ma bien chère Isabelle, il faut que ma lettre parte pour vous porter l'explication du colis quelque peu bizarre que vous recevrez. Je t'embrasse bien tendrement et du fond du cœur tous en famille nous prions ton père d'agréer nos sentiments les plus affectueux et vous envoyons nos amitiés à toi et à Edmond[10].

Je te prie aussi d'être mon interprète auprès de Mlle Pilet[11] et de ne m'oublier chez personne

Ta toute dévouée cousine et amie

Caroline Mertzdorff


Notes

  1. Charles Latham.
  2. Familles Delaroche, Pochet et Latham.
  3. Marie Mertzdorff, fille de Caroline.
  4. Charles Mertzdorff.
  5. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  6. Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff.
  7. Lionel Henry Latham, alors âgé de 10 ans.
  8. Léon Duméril, frère de Caroline.
  9. La plaine de l'Ochsenfeld s'étend depuis la vallée de la Thur, à Thann, jusqu'à la Hardt, au-delà de Mulhouse, et du Sundgau au sud jusqu'à Ensisheim au nord.
  10. Richard Edmond Latham, âgé de 22 ans.
  11. Mlle Pilet est gouvernante dans la famille Latham.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Mercredi 23 novembre 1859. Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_23_novembre_1859&oldid=35081 (accédée le 21 décembre 2024).

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