Mercredi 17 août 1887

De Une correspondance familiale


Lettre de Paule Arnould, épouse de Louis Duval (Crépy-en-Valois) à son amie Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Allevard en Isère)


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Crespy-en-Valois[1]

50 rue Saint-Lazare

17 Août 1887.

Ma bien chérie Marie,

Depuis les si tristes jours qui nous ont un instant rapprochés[2], je ne t’ai pas vue et n’ai eu de toi aucune nouvelle indirecte. J’espère au passage de ma chère Maman[3] Vendredi, et huit jours après au Vivier[4], avoir quelques échos du bon temps qu’elle a passé avec Louise[5] et votre Mère[6] ; mais cela ne fera pas arriver jusqu’à toi toute ma tendresse, mon Amie chérie, et pourtant je sens si bien comme je vous aime ; il me semble que je suis jour par jour ce qui se passe dans vos pauvres cœurs. Vous ne devez pas croire encore, et pourtant le vide se creuse et l’absence vous semble plus longue. Oh ! ma Chérie, quel bonheur dans un moment pareil de se retrouver en Dieu, et de s’appuyer sur un mari qu’on aime, au lieu d’avoir ce vide affreux de ceux qui ont à se conduire seuls et n’ont à vivre que pour eux ou pour des devoirs qu’ils se créent. J’espère aussi que les jours de la séparation sont assez loin de toi maintenant, pour que tu commences à retrouver ta Tante chérie dans le calme, à la sentir auprès de toi veillant et soutenant encore sa chère fille aînée.

Comme il sera bon d’en parler, et à nous tous de s’inspirer d’elle ; il semble que son influence ne peut pas cesser, et que son esprit au contraire doive doit devenir une véritable règle de conduite. Tu sais si je l’aimais – autant que je vous aimais, je crois ; te rappelles-tu comme elle s’est faite notre amie dans nos réunions d’enfants et de jeunes-filles, et comme nous aimions à l’avoir au milieu de nous pendant nos coutures ! Tu ne peux pas t’imaginer quel bien elle me faisait, à moi comme à tant d’autres, rien qu’en la voyant ; il me semblait que j’étais disposée à donner plus aux autres et moins à moi, et surtout à donner plus généreusement, plus aimablement. Que de fois lorsque Mlle Viollet nous a parlé de la piété aimable, j’ai songé à elle !

Mais si elle nous manque, qu’en est-il pour vous, pour toi, ma petite Marie. Tu sais que si la tendre affection de ta vieille amie peut te donner quelques pensées plus consolantes et un peu douces, tu peux de loin te reposer sur elle, et croire qu’elle te cherche souvent. Si tu le peux, écris-moi un mot, ma bien chère Amie ; dis-moi un mot de toi, parle-moi de tes projets ; comment vont tes chers enfants[7], et ton Mari[8] peut-il te rester tout à fait ? Et Émilie[9] ? la pauvre chérie a bien besoin de toi aussi, dis-m’en quelque chose également et indique-moi son adresse. Je lui écrirai si je peux, mais les trois semaines qui me restent seront bien vite passées. Je quitte Crespy dans huit jours pour le Vivier où j’attends à partir de la seconde semaine de Septembre[10]. Ma petite Louise[11] qui fait ses premiers pas et qui a six dents devient très occupante ; heureusement je suis très contente de la nourrice que j’espère bien repasser à l’autre bébé.

Au revoir, ma petite Amie chérie, je te serre dans mes bras en t’embrassant bien fort, et te charge pour ton cher Mari et pour tes enfants de toutes les meilleures choses, toutes particulières de la part de Louis[12] pour Monsieur de Fréville.

A toi de tout cœur

Paule Duval Arnould


Notes

  1. Crépy-en-Valois dans l'Oise, à 60 km au nord-est de Paris.
  2. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards est décédée en juillet.
  3. Paule Baltard, épouse d'Edmond Arnould.
  4. La maison du Vivier à Trigny (Marne), bâtie par son grand-père Victor Baltard.
  5. Louise de Fréville, épouse de Roger Charles Maurice Barbier de la Serre.
  6. Sophie Villermé, veuve d'Ernest de Fréville et belle-mère de Marie.
  7. Jeanne, Robert, Charles et Marie-Thérèse de Fréville.
  8. Marcel de Fréville.
  9. Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart et sœur de Marie.
  10. Elle attend la naissance de Paul Duval-Arnould.
  11. Louise Duval-Arnould, née en 1886.
  12. Louis Duval-Arnould.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer cette page

« Mercredi 17 août 1887. Lettre de Paule Arnould, épouse de Louis Duval (Crépy-en-Valois) à son amie Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Allevard en Isère) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_17_ao%C3%BBt_1887&oldid=53472 (accédée le 29 mars 2024).

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