Mercredi 17 ? janvier 1883

De Une correspondance familiale

Lettre d'Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards (Vieux-Thann) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris)


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Vieux-Thann Mercredi[1]

Ma chère petite fille,

tout ce que tu nous dis de Jeanne[2] nous a bien amusés, et ton bon père[3] a souri en pensant au départ de Jeanne pour Vieux-Thann à cheval, sur sa bête de bois ; quant à Émilie[4] elle aurait bien voulu que le voyage se soit exécuté jusqu’à la fin ; et la pensée qu’elle aurait pu voir arriver sa nièce sur son coursier l’a bien égayée. Elle doit être très amusante cette petite fillette, et je comprends combien tu dois être heureuse de voir cette jeune intelligence se développer si parfaitement. Te voilà à la tête d’une grande tâche, mon enfant chérie, deux petits êtres[5] à diriger [dans le bien] et à élever, ce n’est pas une petite affaire ; mais je suis tranquille, tu sauras parfaitement faire tout ce qui est nécessaire pour [cela] ; et quelque chose me dit que tu arriveras avec l’aide de ton cher mari[6], à un bon résultat. Tu dois avoir reçu ce matin une boîte de camélias, tu pourrais en mettre dans le panier de verre que je t’ai donné, sa base solide lui permettra de supporter de lourdes fleurs.

Je suis contente de penser que tu vas [bientôt retrouver] ta bonne vie intime avec ton mari [c'est] si agréable de [ ] tout à fait ensemble ; tu connais mes idées sur ce sujet et combien [ ] je vous sais heureux ensemble.

Le temps n’est pas beau, le froid disparaît pour faire place à un ciel gris et humide.

Ton oncle[7] m’écrit que son estomac ne va pas très bien ; aussi malgré mon grand désir de prolonger mon séjour ici, je vais sans doute retourner assez vite à Paris. Quelle triste chose que la santé si rarement bonne.

Ton cher père est assez fatigué en ce moment, il mange si peu que ses forces diminuent et qu’il n’a pas bonne mine ; hier il se sentait si souffrant qu’il a préféré ne pas sortir. Il a passé la journée dans son cabinet et a regagné son lit à 7 heures. En ce moment il lit son journal dans son fauteuil, après avoir pris sa tasse de lait dans laquelle Thérèse[8] a mis [ ] jaunes d’œufs. Ainsi que je te l’ai déjà écrit, il est impossible d’avoir plus d’attentions que cette brave fille n’en a pour ton bon père ; elle le soigne avec une régularité admirable ; faisant tout ce que dit le médecin[9] et ne pensant qu’à faire du mieux possible. Combien on serait heureux  de voir de si bons soins amener une vraie amélioration. Émilie est là pour entourer ton bon père de cette tendre affection qui lui est si douce ; puis elle travaille à côté de lui, fait en ce moment le plan de la maison du docteur puis ton papa lui fait tenir ses comptes, enfin elle tourne toujours autour de lui, tâchant, à elle toute seule, de vous représenter toutes deux.

Adieu ma chère petite fille, je t’embrasse tendrement ainsi que tes enfants et te charge de dire à ton mari que je l’aime beaucoup.

AME

Ce petit coin est réservé à toutes les amitiés de ton père et d’Émilie pour toi et les tiens.            


Notes

  1. Lettre à situer pendant le séjour d'Aglaé Desnoyers-Milne-Edwards à Vieux-Thann, du 5 au 19 janvier 1883.
  2. Jeanne de Fréville, fille de Marie.
  3. Charles Mertzdorff.
  4. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  5. Jeanne et Robert de Fréville, nouveau-né.
  6. Marcel de Fréville.
  7. Alphonse Milne-Edwards.
  8. Thérèse Neeff, employée par Charles Mertzdorff.
  9. Le docteur Louis Disqué.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Mercredi 17 ? janvier 1883. Lettre d'Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards (Vieux-Thann) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_17_%3F_janvier_1883&oldid=34959 (accédée le 20 avril 2024).

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