Mercredi 16 août 1871

De Une correspondance familiale

Lettre d’Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) à Marie Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1871-08-16 pages 1-4.jpg original de la lettre 1871-08-16 pages 2-3.jpg


16 Mercredi soir[1]

Ma chère petite Marie,

Je tenais à t'écrire pour le 15 et à t'adresser tous les bons souhaits d'une tante qui t'aime beaucoup ; je n'ai pas pu le faire et je ne viens qu'aujourd'hui t'embrasser bien tendrement, et te remercier de ta bonne petite lettre qui m'a fait un véritable plaisir. Il me semble qu'il y a déjà bien, bien longtemps que vous n'êtes plus avec nous, votre séjour à Montmorency me paraît déjà comme une de ces bonnes choses dont on n'a pas assez profité et à laquelle on repense avec bonheur. Il m'était bien agréable de vous avoir là si près, de vous voir dormir dans mon petit salon etc. etc. enfin ce sont de bons souvenirs dont il faut se contenter en ce moment.

Bonne-maman[2] va bien, elle est toujours bien bien occupée de sa basse-cour qui est très peuplée car les petits poulets sortaient de l'œuf Lundi, les lapins se portent bien et sont toujours aussi gourmands, et aussi exigeants. Pauline[3] a été bien malade ; maman l'a si bien soignée que la voilà sur pieds ; je t'assure que vous auriez eu bien à faire pour aider cette bonne mère, qui s'occupait du ménage et faisait je t'assure une excellente cuisine ; Jean est revenu et sa femme[4] doit le suivre dans peu de jours.

Il fait bien bien chaud et tu devines la chaleur qui fait sur la route d'Enghien, aussi sommes-nous revenus après le dîner ; lorsque je dis nous je parle de Jean[5] et de moi car oncle[6] était parti le matin.

Je t'écris tout en parlant appartements avec Mme Dumas[7] ; nous sommes allées dans la journée parcourir quantité de rues pour tâcher d'y découvrir quelque chose de remarquable ; malheureusement nous n'avons pas encore trouvé la pie au nid et cependant nous avons cherché de 11h à 3h1/2. Tu diras de ma part à ta maman[8] que M. Dumas a de nouveau sa place de la garantie, je suis sûre que cette nouvelle lui fera plaisir.

Petit Jean parle souvent de vous et, il faut que je te le dise, Emilie[9] est toujours sa plus chérie, et racontait très sérieusement à Mme <Brongniart> que décidément il n'aurait pas de ferme puisque Emilie ne voulait n'être que mère de famille et il ajoutait mais elle pourrait bien être dans une ferme et être tout de même mère de famille. Le jeune homme travaille bien depuis 6 jours il a à chaque leçon un bon point ; mais il déclare que c'est par raison car la grammaire ne l'amuse pas.

Miss continue à tuer avec succès les rats que nous prenons et qu'on lâche devant elle, en deux coups de dents elle tue sa victime ; cette aimable bête vient toujours à Montmorency et connaît si bien son chemin qu'elle s'arrête d'elle-même à la porte de maman ; elle revient toujours avec Jean et moi le soir mais comme elle est très obéissante nous ne l'attachons pas et lui permettons de courir sur la route. Je ne t'ai pas dit grand'chose, ma bonne chérie, et voilà mon papier rempli ; je vais donc t'embrasser bien tendrement ainsi que ta petite sœur, te charger de toutes mes amitiés pour ta chère mère sans oublier le papa[10] et aller me coucher.

tante amie

AME

Bien des choses à Cécile[11].


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers (« cette bonne mère »).
  3. Pauline, domestique chez les Desnoyers.
  4. Jean et son épouse Amélie, qui vient d’accoucher à Montluçon, domestiques chez Alfred Desnoyers.
  5. Le petit Jean Dumas.
  6. Alphonse Milne-Edwards.
  7. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas, plutôt que sa belle-mère Hermine Brongniart, épouse de Jean Baptiste Dumas.
  8. Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff.
  9. Emilie Mertzdorff, petite sœur de Marie.
  10. Charles Mertzdorff.
  11. Cécile, bonne des petites Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 16 août 1871. Lettre d’Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) à Marie Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_16_ao%C3%BBt_1871&oldid=34949 (accédée le 14 novembre 2024).

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