Mercredi 14 octobre 1874

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1874-10-14 pages 1-4.jpg original de la lettre 1874-10-14 pages 2-3.jpg


Paris le 14 Octobre 1874

Mon petit père chéri,

Merci, merci pour ta bonne chère lettre reçue hier matin si tu savais comme elle m’a fait plaisir que tu es gentil de nous écrire aussi souvent et de si longues lettres qui nous tiennent si bien au courant de tout ce qui se fait là-bas.

Lundi après t’avoir quitté nous avons passé nos robes et nous sommes parties d’abord chez la femme Lelong qui était sortie (nous y retournerons aujourd’hui) puis chez Mme Cordier[1].

Elle n’y était pas. Le concierge nous a dit qu’elle était encore à Orsay pour le mois elle vient de reconduire sa fille[2] en pension. Nous avons pris ensuite une voiture et nous avons été à Montrouge chez Mme Devers[3]. Elle nous a ouvert la porte elle-même et je t’assure qu’elle n’a pas été longue à nous reconnaître. Elle a paru enchantée de nous voir. Son mari est en ce moment à Paris mais il repart fin de ce mois pour Turin, ils n’ont pas l’air bien heureux. Sa fille Louise est toujours souffrante et en ce moment-ci pour un mois chez une cousine. Elle a fait venir ses deux autres petites filles[4] qui nous ont paru fort gentilles surtout la plus petite mais elles n’ont pas soufflé mot (pas plus que nous du reste) Mme Devers a trouvé que je ressemblais beaucoup à petite mère[5]. Nous avons visité deux pièces contenant des masses d’objets d’art peints par son mari.

Nous sommes ensuite remontées en voiture pour rentrer. Hier mardi j’ai fait la chambre en me levant puis sitôt le déjeuner Nous sommes partis chacun de notre côté Emilie[6] chez Marthe[7] moi avec tante[8] chez Mme Dumas[9] qui déménage Vendredi et qui a pas mal à faire. Nous avons été ensemble rue de l’Odéon chez son tapissier pour des rideaux mais il venait de sortir alors tante a aidé à faire des caisses et moi j’ai suivi ces dames. Dimanche soir il y aura chez Mme Dumas mère[10] une petite soirée tout à fait sans cérémonie en l’honneur de la réception de Noël[11] ce pourquoi il se réjouit beaucoup.

Nous sommes rentrées tante a envoyé chercher Emilie et Jeanne Brongniart est venue passer le reste de la journée avec nous. A 5h nous avons été dans le jardin[12] avec oncle[13].

Il fait un temps splendide les oiseaux chantent on se croirait vraiment au printemps. Malheureusement ce beau temps va bientôt cesser pour être remplacé par l’affreux hiver.

Tu me demandes dans ta lettre des nouvelles d’oncle il ne va pas trop mal et son père[14] lui a trouvé bonne mine il mange bien et en somme se porte bien. C’était hier 13 sa fête il a eu trente-neuf ans. Nous la lui avons souhaitée au dîner.

Je viens de prendre ma leçon de piano[15] c’est déjà la seconde. Cette après-midi nous commencerons avec Mme Lima[16]. Ma maîtresse de dessin[17] vient de perdre son père Vendredi elle ne me l’a pas dit souffrant et Lundi nous avons reçu le billet. Il était fort âgé.

Demain nous comptons aller à Poissy chez Mme Sauvel.

Bonne-maman Desnoyers[18] est revenue hier soir nous avons été la voir après le dîner. Elle va bien et n’est pas trop fatiguée puisque aujourd’hui déjà elle part pour Montmorency recevoir la grande maison.

Il est décidément arrêté qu’Henriette[19] passera tout l’hiver à Bellevue la pauvre fille c’est bien triste pour elle surtout avec son père malade[20] qui paraît-il est toujours dans le même état. Nous irons sans doute la voir un de ces jours.

Les enfants de ma cousine Girol[21] doivent joliment bénir le ciel d’avoir inspiré à leur grand’mère[22] de te choisir comme parrain car pour eux cela dépend de leur avenir d’être bien élevés dans une bonne pension. A la bonne heure si tous les parrains étaient comme mon petit père chéri, mais hélas souvent ils laissent leurs filleuls sans s’en occuper.

Adieu mon petit papa chéri mignon je voudrais bien avoir quelque chose d’intéressant à te dire mais notre vie est assez uniforme.

Je t’embrasse un quintillion de fois.

Ta petite Marie qui t’aime énormément.

Emilie me charge de t’embrasser 110 fois. Elle se porte à merveille et a une mine plus belle que jamais ce qui me contrarie fort <  > ne l’aime presque pas.


Notes

  1. Félicie Berchère, épouse de Charles Cordier.
  2. Probablement Marie-Louise Cordier (11 ans), plutôt qu’Amélie (18 ans).
  3. Maria Berchère, épouse de Giuseppe Devers.
  4. Adèle et Clotilde Devers (12 et 8 ans).
  5. Caroline Duméril (†), épouse de Charles Mertzdorff.
  6. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  7. Marthe Pavet de Courteille.
  8. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  9. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  10. Hermine Brongniart, épouse de Jean Baptiste Dumas.
  11. Noël Dumas, reçu à Saint-Cyr.
  12. Le Jardin des Plantes.
  13. Alphonse Milne-Edwards.
  14. Henri Milne-Edwards.
  15. Leçon de piano avec Mlle Poggi.
  16. Mme Lima, professeur d’allemand.
  17. Marie Louise Duponchel, professeur de dessin.
  18. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  19. Henriette Baudrillart.
  20. Henri Baudrillart.
  21. Marie Reisser, épouse de Xavier Jules Oscar Girol et mère de Xavier Charles Oscar et Paul Xavier Girol.
  22. Christine Heuchel, veuve de Xavier Reisser.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 14 octobre 1874. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_14_octobre_1874&oldid=42518 (accédée le 21 novembre 2024).

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