Mercredi 13 août 1879
Lettre de Marie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Launay 13 Août 79
J’arrive au galop du coupe-gorge, mon Père chéri, afin d’avoir encore le temps de te dire un petit bonjour avant le déjeuner et pour cela il faut que je me dépêche, car il faisait si bon là-haut que nous y sommes restés jusqu’au dernier moment ; je voudrais cependant bien que ce petit [mot] soit terminé avant 11h car alors nous pourrions courir la chance de le mettre à 12h dans la boîte de la voiture de Bellevue qui passe sur la route et sur laquelle nous nous précipitons pour y jeter au passage les missives que nous voulons savoir le lendemain matin à Vieux-Thann ; c’est bien agréable de pouvoir communiquer aussi rapidement. Avant-hier par malheur, nous nous sommes oubliés trop longtemps dans notre fromage à la crème et arrivées chez la mère Michel[1], la diligence avait filé tu as donc dû recevoir 2 lettres ensemble.
Nous continuons à avoir très beau temps ; hier la journée a été délicieuse nous ne sommes entrés à la maison que le temps nécessaire pour absorber déjeuner, goûter et dîner. Nous sommes descendus le matin à Nogent, à 2h nous sommes retournés au devant d’oncle[2] qui est arrivé à la joie générale. Ce bon oncle nous rapportait un magnifique arc tout neuf car tu sais sans doute que cet exercice nous amuse beaucoup et que nous avions malencontreusement cassé celui de Jean[3] ; nous avons donc repris de plus belle nos parties de tir et cette fois je t’assure que c’est sérieux, l’arme est plus haute que nous et on a mal au bras après l’avoir tendu aussi on peut faire de beaux effets ; je deviens une joueuse acharnée et je crois que c’est un exercice très salutaire. Du reste je me porte très bien et je t’assure que je me donne du mouvement et que je respire bien le bon air.
Ce matin nous avons été un peu paresseuses (levées seulement à 7h moins ¼) puis aussitôt après avoir avalé notre café au lait nous sommes montées sur la butte où nous avons fait une station des plus agréables pendant qu’oncle nous lisait le journal d’un de ses voyages en Suisse. Nous nous sommes mis ensuite à descendre le vallon à pic pour m’exercer disait-on à descendre les chemins difficiles[4], ce 1er essai n’a pas été brillant et j’ai fort diverti la compagnie par mes spéculations et la manière dont je marchais de côté et sur mes talons. Nous sommes vraiment bien heureuses d’avoir Marthe[5] avec nous, elle est aussi gentille que possible et je crois qu’elle de son côté jouit de cette petite vacance, je t’assure qu’à nous trois nous n’engendrons pas la mélancolie.
J’ai une grande nouvelle à t’annoncer : Mlle Duponchel[6] vient d’entrer au couvent pour soigner les pauvres malades, je m’attendais depuis longtemps à ce qu’elle en arrive là mais tu ne saurais croire l’effet que cela m’a fait ; je l’aime réellement et j’ai peine à m’habituer à la pensée de ne plus la voir. J’espère qu’elle sera heureuse dans cette voie qu’elle a choisie car elle a tout ce qu’il faut pour cela. Adieu père chéri que j’aime, je t’écris au lieu de dessert (et cela m’est plus agréable) mais l’heure de la diligence me presse.
je t’embrasse de tout mon cœur
M.
Nous soupirons après un mot de toi tu sais qu’il y a longtemps que nous n’avons rien reçu de toi.
Notes
- ↑ Probablement Julie Augustine Elisabeth Gasselin, épouse du fermier Michel Victor Ménager.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Les demoiselles se préparent à un voyage en Suisse avec Charles Mertzdorff.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Marie Louise Duponchel ?
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mercredi 13 août 1879. Lettre de Marie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_13_ao%C3%BBt_1879&oldid=41120 (accédée le 15 novembre 2024).
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