Mardi 12 août 1879

De Une correspondance familiale


Lettre d’Emilie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1879-08-12 pages 1-4.jpg original de la lettre 1879-08-12 pages 2-3.jpg


Launay 12 Août 1879

Quel beau temps nous avons depuis hier, mon père chéri, après avoir eu une réminiscence de pluie qui faisait mal présager pour l’avenir ; mais tu sais on se laisse aller facilement aux espoirs agréables et depuis que le ciel est pur ici il me semble qu’il le sera aussi au-dessus du Mont Blanc. Ici nous sommes toujours dehors, soit dans le jardin, soit sur la butte. Tu vois n’est-ce pas, sans que je te les représente les campements que nous faisons avec des montagnes d’ouvrages, des livres et tout ce qu’il faudrait enfin pour s’occuper sans relâche pendant plus d’un mois. Tu connais assez tes filles[1] pour savoir qu’elles ont toujours des intentions que le temps ne permet jamais de réaliser mais qui par contre t’invitent à te moquer quelquefois un peu d’elles.

Il faut que je te demande pardon mon pauvre papa de l’horrible griffonnage que je suis en train de te préparer et je ne sais vraiment si tu pourras le lire, mais c’est que je t’écris du jardin, assise sur le banc du champignon et tu sais que bon-papa[2] fait faire les bancs à sa taille c’est à dire si élevés que c’est à peine si les pieds peuvent toucher terre et je suis justement dans cette position. Pour trouver un point d’appui par terre il faut que je m’asseye tout au bord du banc mais alors mes genoux se trouvent si bas qu’il faut une contorsion [ ] pour que mes mains et mes regards rencontrent mon papier.

Bonne-maman[3] ne va pas mal, hier elle est montée avec nous sur la butte, en plusieurs étapes, il est vrai, mais enfin elle n’en a pas été fatiguée et elle ne nous quitte pas dans nos longues stations au jardin.
Oncle[4] est parti Dimanche soir et doit revenir aujourd’hui à 2h ou peut-être seulement après le dîner mais nous espérons bien que le beau temps lui fera hâter ses affaires à Paris et le conduira le plus tôt possible à Launay où il fait si bon et si frais.

J’espère bien qu’aujourd’hui nous aurons une lettre de toi ce qui nous fera joliment de plaisir, il y a déjà assez longtemps que nous n’avons reçu de nouvelles de notre petit papa, et nous aimons tant recevoir ses lettres.

Je crois que tu rirais bien si tu nous voyais en ce moment : Marthe[5] et moi qui écrivons toutes deux, nous nous trouvions si mal dans la 1ère position que nous avons mis nos pieds sur le banc et moitié couchées, moitié assises, relevant nos genoux autant que nous le pouvons, nous nous trouvons un peu moins mal que tout à l’heure.

Je pense qu’oncle Léon et tante Marie[6] doivent déjà être revenus de Saint-Moritz et on est peut-être déjà aux Trois-Epis. Oncle Auguste[7] est-il déjà à Vieux-Thann ?

Adieu mon bon père, je t’embrasse de tout mon cœur. Quel dommage que tu ne sois pas ici, c’est si joli Launay !
Ta fille Émilie


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Jules Desnoyers.
  3. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  4. Alphonse Milne-Edwards.
  5. Marthe Pavet de Courteille.
  6. Léon Duméril et son épouse Marie Stackler, revenant de Suisse.
  7. Charles Auguste Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 12 août 1879. Lettre d’Emilie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_12_ao%C3%BBt_1879&oldid=40670 (accédée le 7 octobre 2024).

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