Mardi 7 octobre 1879

De Une correspondance familiale


Lettre de Paule Arnould (Jonchery-sur-Vesle dans la Marne) à ses amies Marie et Emilie Mertzdorff (Vieux-Thann), avec un ajout de Mathilde Arnould


original de la lettre 1879-10-07 pages 1-4.jpg original de la lettre 1879-10-07 pages 2-3.jpg


Le Vivier – 7 Octobre 1879.
Par Jonchery-sur-Vesle
Marne.

C’est à toutes les deux que j’écris mes Amies chéries, puisque j’ai à vous remercier l’une de sa bonne lettre et l’autre de cette jolie ménagère. Que vous êtes gentilles d’avoir pensé à moi, d’avoir travaillé pour moi, et de vous rappeler cette date du 3 Octobre. Vraiment, vous abusez, et n’en laissez échapper aucune, 26 Janvier, 3 Octobre ! bientôt vous en inventerez ! mais n’est-il pas vrai que tous les jours appartiennent un peu à l’amitié, la vôtre est bien des meilleures et vous savez que je vous aime très tendrement aussi. Tu vois ma chère Marie, que ta lettre m’a encore trouvée ici, de toutes façons, elle serait arrivée à temps, et je ne pars que Samedi, le 11 ; nous reviendrons, comme tu le vois, presqu’en même temps. Encore une fois, la maison est presque vide, et les premiers sont les derniers. Mère[1] est partie hier, avec Edmond, Louis et Marcel, les trois collégiens ! Père ne peut pas s’arracher et nous sommes restées avec lui une semaine de plus, Mathilde[2] et moi. Jamais le ciel n’a été si bleu, quoique en général nous n’ayons pas eu à nous plaindre du temps. Hier, je suis restée longtemps à lire dans le jardin, dans un petit bois de sapins que j’ai vus grandir ; je l’aime beaucoup, on m’y a même percé une vue et disposé un banc pour que je puisse y séjourner. Mais je n’y étais pas seule, et au bout de quelque temps une grande couleuvre est passée près de mes pieds en bondissant, nous en avons d’ailleurs une certaine quantité dans les environs, elle était déjà loin quand j’ai pensé que j’aurais dû essayer de la prendre, ce n’est jamais mon premier mouvement, et on se moque bien de moi avec cela.

Que vous avez dû être ravies de votre beau voyage[3], mes Amies chéries ! Je suis sûre que vos excursions à pied en auront doublé le plaisir. Je compte que vous me les raconterez en détail quand nous nous reverrons. Quelles bonnes marcheuses vous faites ! Je suis sûre aussi que le plaisir d’avoir Marthe[4] contente avec vous, n’a pas diminué votre satisfaction, ni celui de garder votre Tante[5] chérie avec vous jusqu’à la fin.

Avez-vous eu des nouvelles de nos amies ? Marie Flandrin m’a très peu écrit, mais j’ai trouvé cela bien naturel, cela la fatigue beaucoup et c’était très nécessaire qu’elle commence son hiver reposée et un peu fortifiée. J’espère que sa nouvelle vie sera meilleure pour elle que le travail personnel ; d’ailleurs cela ne l’exclut pas absolument, et je crois qu’elle a déjà beaucoup d’acquis. Henriette[6] paraît avoir bénéficié de son voyage aux bains de mer, et son frère va un peu mieux ; mais je ne crois pourtant pas que toutes ces pauvres santés soient encore bien solides et cela fait de la peine quand on songe à ce qu’ils en ont tous besoin, les Flandrin comme les Baudrillart.

Marie est très occupée de sa cousine Cécile Charié-Marsaines[7] qui est bien faible mais qui, heureusement ne va pas plus mal. Ici Père est toujours avec ses maux d’estomac et ses mauvaises nuits, tous vont bien à part lui, Mère retourne à Paris cent fois mieux qu’elle n’en est partie. Je suis plus contente de moi aussi, quoique je ne sois pas encore au bien fixe. Je fais quelques projets que je vous dirai de vive voix ; c’est bon signe, comme vous voyez ; je rapporte une mine encore meilleure que celle avec laquelle je suis partie, c’est tout dire !

Je reviens encore à votre affectueux envoi du 2 ; vous me gâtez ! Les bons yeux de ma chère Émilie avaient-ils donc vu la misère de ma vieille petite ménagère rouge ? Quoiqu’elle fût un souvenir, j’en avais décrété la suppression, mon coton errait dans mon panier et mes aiguilles à bas toutes dépaysées se réfugiaient au milieu des autres. Un souvenir a remplacé l’autre, coton et aiguilles ont vite trouvé leur place. Merci doublement de cette attention, et de la chère lettre qui l’accompagnait, et du bon petit mot de votre chère tante que j’embrasse bien fort pour elle toutes les trois. Et moi, je vous envoie aussi de nombreux et de tendres baisers et vous remercie encore très fort.
Paule Arnould

 [] je n'ai eu ici pourtant le bon esprit de découvrir que trois jours après quoique d'habitude je fouille toutes les marges. Au revoir, mes bonnes petites Amies, à bientôt. Mathilde


Notes

  1. Paule Baltard, épouse d’Edmond Arnould et mère d’Edmond (fils), Louis et Marcel Arnould.
  2. Mathilde Arnould.
  3. Voyage en Suisse.
  4. Marthe Pavet de Courteille.
  5. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  6. Henriette Baudrillart.
  7. Cécile Flandrin, épouse de Maxime Charié-Marsaines.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 7 octobre 1879. Lettre de Paule Arnould (Jonchery-sur-Vesle dans la Marne) à ses amies Marie et Emilie Mertzdorff (Vieux-Thann), avec un ajout de Mathilde Arnould », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_7_octobre_1879&oldid=54117 (accédée le 6 octobre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.