Mardi 3 mai 1859 (B)
Lettre d’Eugénie Desnoyers (Paris) à son amie Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris
3 Mai 1859
Ma chère petite Crol,
Tu ne doutes pas que j'eusse été bien heureuse de remplir aujourd’hui, auprès de la petite fille[1], mon premier rôle de marraine, mais puisque cela est chose impossible, je veux du moins te dire, ma Chérie, que c'est avec grande joie au cœur que je promets amitié et protection à votre fille.
Voici une petite médaille que je désirerais que tu fisses porter à ma filleule ; lorsque j'étais toute jeune, maman[2] m'en donna une semblable, elle ne me quitte jamais et il me semble qu'elle me protège doublement. Mets celle-ci au cou de notre petite Marie et je suis convaincue qu'elle lui portera bonheur.
Samedi à 5 h Alfred[3] est venu nous surprendre ; son séjour ici a été bien court puisque nous l'avons reconduit hier soir au chemin de fer du Nord mais nous n'avons pas moins joui de cette bonne réunion et nous avons été tous très heureux de passer quelques heures ensemble.
Sans qu'il y ait rien de positif nous espérons qu'Alfred n'aura pas trop à souffrir de ce bouleversement au < >. Il m'a chargée de te faire son compliment de la naissance de ta fille. Léon[4] continue de mieux aller. Il est rentré à l'institution Barbet ; heureusement que ce pauvre garçon en a été quitte avec un malaise car ces premiers symptômes avaient inquiété ton bon père[5]. Que Mme Duméril[6] ne s'agite pas puisque tout va bien maintenant, et qu'elle continue à bien jouir de son séjour auprès de toi, de ton mari[7] et de sa chère petite fille.
Nous parlons bien souvent de vous tous et nous comprenons le bonheur que vous donne la présence de ce petit être.
Embrasse pour maman et les deux sœurs[8] ta bonne mère et reçois pour toi leurs bien tendres amitiés.
Si je puis me permettre une prière de me mêler de cela, ce dont je te prie instamment c'est de ne pas laisser rentrer chez toi la garde maintenant qu'elle est allée dans une maison où les enfants sont atteints de la scarlatine[9].
Tu dois trouver que la pauvre Nie ne sait pas rester dans le juste milieu, l'autre jour elle t'adresse je ne sais combien de pages et aujourd'hui elle prend du papier lilliputien ; eh bien, chérie, c'est de peur de ne pouvoir résister au plaisir de causer plus longuement avec toi que j'ai pris ce matin cette petite feuille, tu vois donc que si dans un sens comme dans l'autre tu trouves de l'extravagance il ne faut t'en prendre qu'aux charmes de dame Crol. A propos ce n'est qu'à la condition que tu brûlerais ma lettre que maman m'a permis de t'écrire l'autre jour ainsi veille à ce que je ne désobéisse pas à maman.
La famille Target[10] part cette semaine. Marie Buffet[11] rejoindra sa mère Lundi prochain, elle va très bien. Je suis bien heureuse de voir que tu suis son exemple.
Nous nous sommes occupées de la robe de barège[12], je crois très difficile d'en rassortir et peut-être pas économique de mettre un dessous pas pareil aux volants car ce ne serait jamais beau et on trouve partout de charmants et solides barèges pour 75 c ou 1 F le mètre. Tu nous diras ce qu'il faut faire, nous allons cependant encore essayer d'en retrouver du lilas.
Adieu mignonne chérie, embrasse de la part de marraine le petit ange qui maintenant attirera sur votre maison les bénédictions du Ciel.
Adieu encore <mie> sois ma Crol bien aimée, crois-moi toujours ta vraie amie.
Eugénie Desnoyers
Mille choses aimables autour de toi de la part de père, mère et enfants. Aglaé t'embrasse ainsi que Julien[13].
Mlle Bibron va de mieux en mieux elle commence à prendre l'air. Adieu, soigne-toi bien
Notes
- ↑ La petite Marie Mertzdorff est née le 15 avril.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Alfred Desnoyers, frère aîné d’Eugénie.
- ↑ Léon Duméril, frère de Caroline.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril, père de Caroline et Léon.
- ↑ Félicité Duméril, mère de Caroline et de Léon.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers, et ses deux filles : Eugénie et Aglaé Desnoyers.
- ↑ Allusion à la famille Berger de Thann où les enfants ont la scarlatine.
- ↑ La famille de Paul Louis Target, cousin germain d’Eugénie Desnoyers, retourne probablement à Bourguignolles en Normandie où elle possède le château.
- ↑ Marie Pauline Louise Target, sœur de Paul Louis, a épousé en 1854 Louis Buffet ; sa mère est Eléonore Pauline Lebret du Désert.
- ↑ Le barège est une étoffe très légère de laine ou d'un mélange de laine, de soie, de coton ou d'une autre fibre.
- ↑ Aglaé et Julien Desnoyers, sœur et frère d’Eugénie.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 3 mai 1859 (B). Lettre d’Eugénie Desnoyers (Paris) à son amie Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_3_mai_1859_(B)&oldid=56987 (accédée le 15 octobre 2024).
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