Mardi 31 juillet 1917
Projet de lettre dactylographiée de M. Meng (Fellering), avec corrections manuscrites de Guy de Place, au Ministre des Armements et des munitions, Albert Thomas (Paris)
Duméril - Jaeglé et Cie, Vieux-Thann
Société en commandite par actions
AnciennementMertzdorff et Cie[1]
Fellering près Wesserling (Alsace-Française)[2]
31 Juillet 1917.
Monsieur le Ministre des Armements et des Munitions[3] à Paris
Monsieur le Ministre.
Nous nous permettons de vous adresser la requête suivante. Notre usine est située sur le front à Vieux-Thann dans l’Alsace reconquise, et notre fabrication comportait le blanchiment, l’apprêt et le finissage des tissus de coton. Nous occupions avant la guerre actuelle environ 900 ouvriers et ouvrières, habitant Vieux-Thann, Thann et les communes environnantes.
La création de notre fabrique remonte à l’année 1818, donc à un siècle, et notre Société était de tout temps une Maison Française, au Capital Français.
La situation locale de notre usine a eu malheureusement comme suite des dégâts importants, tant à nos bâtiments qu’à notre matériel industriel, résulté par les bombardements répétés de l’ennemi. Mais malgré cela il nous serait, en l’état actuel des choses, possible de reprendre notre travail dans environ 2 à 3 mois, et de marcher à petite production, soit à la cessation des hostilités, soit dans le cas où le front de Vieux-Thann venait à être dégagé.
Quoiqu’il en soit, nous sommes fermement décidés à reprendre notre fabrication, dès qu’il nous sera possible de le faire, et aussi de reconstruire la partie de notre usine qui a été endommagée ou détruite.
Ce sont ces raisons qui nous obligent de vous soumettre, Monsieur le Ministre, notre requête concernant les réquisitions répétées et continuelles que les Autorités Militaires ont faites et font encore opérer chez nous.
Quoique la situation actuelle nous impose un chômage prolongé, nous n’avons aucunement l’intention de liquider notre établissement, et les installations industrielles et le matériel qui s’y trouvent ne sont nullement abandonnés, car depuis que Vieux-Thann a été évacué, nous avons à l’usine continuellement un personnel suffisant qui s’occupe de la surveillance et de l’entretien du matériel qui nous sera indispensable pour recommencer à travailler.
Suite de la lettre pour Monsieur le Ministre des Armements et des Munitions
Feuille n°2
Dans cette intention nous avons nous-mêmes pris toutes les précautions, humainement possibles dans notre situation, pour protéger ces installations et ce matériel, et nous avons même mis une partie de celui-ci, par exemple les 150 moteurs électriques qui nous restent ; et qui sont encore en bon état, à l’abri à l’arrière du front, ici à Fellering.
Nous avons eu de ce fait des dépenses assez considérables.
Nous voudrions vous prier, Monsieur le Ministre, de tenir compte de tout ce que notre Société a déjà contribué à la Défense Nationale suivant le relevé ci-joint des marchandises, matériel, métaux et machines livrés à l’Armée depuis le début de cette guerre.
Parmi ces fournitures il y en a d’importantes, comme par exemple notre Turbine à vapeur avec tous ses accessoires, laquelle fonctionne depuis 1915 aux Ateliers de Saint-Pierre-des Corps, et un Tour système Schultz, réquisitionnés en Septembre et Octobre 1915, sans que nous sachions, à l’heure qu’il est, si c’est à titre de location ou de vente qu’on nous les a enlevés.
Le Service des Forges a commencé, depuis quelque temps à saisir une partie de nos moteurs électriques, ce qui nous fait craindre qu’on va petit à petit, nous prendre nos moyens de reprendre, le moment venu, notre fabrication et la reconstruction de notre établissement.
Par le fait des bombardements nous avons perdu une trentaine de ces moteurs. Le Service des Forges nous en a réquisitionné huit. Les moteurs qui nous restent forment partie intégrante des machines commandées individuellement pour la plupart. Ces machines, qui se trouvent encore en bon état et pour la conservation desquelles nous avons pris des mesures sérieuses, se trouveraient dépareillées par suite du fait de l’enlèvement de leurs moteurs.
En raison de cette circonstance et des difficultés que nous aurions sans doute plus tard à remplacer les moteurs réquisitionnés, nous nous trouverions dans l’impossibilité de pouvoir reprendre le travail au moment propice.
Nous nous permettons donc, Monsieur le Ministre, de vous adresse la prière
Suite de la lettre pour Monsieur le Ministre des Armements et des Munitions
Feuille n°3
de donner les ordres nécessaires pour qu’on nous laisse les installations et le matériel qui nous rentent encore, et dont nous avons indiqué la nomenclature au Service des Forges de Belfort.
Nous avons en même temps déclaré au Service des Forges le matériel disponible dont nous pourrions nous passer et que nous cèderions volontiers pour la Défense Nationale.
Nous sommes également tout disposés à céder les métaux provenant des bâtiments, installations et machines qui ont été tellement endommagés par fait de guerre, qu’ils ne sont plus susceptibles d’être réparés.
L’Administration du Territoire nous a promis de faire tout ce qui est dans son pouvoir pour conserver à l’Alsace reconquise son Industrie, et nous lui sommes bien reconnaissants pour tous les efforts qu’elle fait dans ce but.
Nous espérons pouvoir compter également sur l’appui du Gouvernement Français, pour empêcher que notre matériel et nos installations industrielles soient dispersés, et que nous soyons mis dans l’impossibilité de reprendre notre fabrication et de reconstruire notre établissement.
Nous nous permettons de vous adresser notre requête aussi en faveur et dans l’intérêt de notre population ouvrière du Territoire, pour laquelle notre Société a fait de grands sacrifices, et laquelle en souffrira également, si on nous enlève les moyens de reprendre notre industrie, le moment venu.
Nous espérons donc pouvoir compter sur votre bienveillante sollicitude, et dans cette attente nous vous présentons, Monsieur le Ministre, nos salutations les plus distinguées.
Suite de la lettre pour Monsieur le Ministre des Armements et des Munitions
Feuille n°4
Relevé des Machines, Appareils, Matériaux et Marchandises réquisitionnés par l’Armée, ou vendus pour la Défense Nationale.
1 Turbo-groupe de 475 KW 3 000 Tours
1 Tour système Schultz
1 Scie à ruban à chantourner avec table mobile complète
1 Scie circulaire avec chariot et deux lames
1 Machine à affûter les lames de scie circulaire
5 Palans à chaîne de diverses forces, 1 Moufle avec corde en chanvre 48 m
2 Câbles en acier de 23 m et 1 chaîne à mailles calibrées
1 Omnibus à 6 places et 1 Tilbury à 2 roues
20 Bâches pour voitures
2 Enclumes et 5 étaux
Divers matériel de téléphone pour environ 1 900 F
Divers outils pour environ 500 F
Deux Bœufs
Kilos 90 000 environ Foin
- 30 000 - Avoine
- 4 000 Chlorure de Chaux
400 Tonnes Charbon à 3 maisons travaillant pour la Défense Nationale
293 - - aux Troupes Françaises et aux maréchaux militaires
Kilos 7 800 Fer neuf
- 29 000 Vieux Fer
- 7 500 Tuyaux en fer
- 5 800 Tôle de fer
- 106 400 Fonte mécanique
- 2 500 Cuivre rouge
- 3 900 Bronze
- 400 Laiton
Notes
- ↑ Papier à en-tête.
- ↑ Dans les archives, cette lettre est jointe à celle du 18 août. Pour des raisons de lisibilité, la transcription a retenu la première version dactylographiée de M. Meng. On peut lire les corrections manuscrites apportées par Guy de Place sur la reproduction de l’original.
- ↑ Albert Thomas, ministre de l'Armement et des fabrications de guerre du 12 décembre 1916 au 12 septembre 1917.
Notice bibliographique
D’après l’original. Cette lettre est jointe à celle du 18 août
Pour citer cette page
« Mardi 31 juillet 1917. Projet de lettre dactylographiée de M. Meng (Fellering), avec corrections manuscrites de Guy de Place, au Ministre des Armements et des munitions, Albert Thomas (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_31_juillet_1917&oldid=40991 (accédée le 18 décembre 2024).
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