Mardi 29 mai 1917
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (mobilisé)
Brunehautpré 29/5/17
Mon cher Louis,
Ta grande lettre m’a bien trouvée ici hier et m’a beaucoup intéressée. Tu as beaucoup à faire, pauvre candidat ! et nous qui ne faisons que nous reposer ! Cependant Michel[1] cherche à gagner sa vie et le fait convenablement : il a déjà rapporté 1 lièvre, 2 lapins et une corneille et hier à Dommartin il a tué 10 pigeons. Aujourd’hui il a été moins heureux avec son fusil, mais il a entrepris de couper l’herbe de la pelouse avec la petite faucheuse attelée de Goliath et l’aide d’Alexandre[2]. Le résultat n’est pas encore très satisfaisant : l’herbe est trop longue, Goliath trop brusque (mais non trop fringant, quelle ruine !) et de plus Michel ne connaît qu’imparfaitement le maniement de la faucheuse. Demain on fera mieux.
Brunehautpré est bien joli, et cependant la gelée a fait des dégâts. Le grand rosier de la maison est en partie gelé, mais non pas mort heureusement. Combien de temps faudra-t-il pour qu’il retrouve sa vigueur ? la retrouvera-t-il jamais ? c’est douteux. Celui qui était contre la dernière fenêtre du salon est complètement mort. Les hortensias ont aussi souffert, les lauriers perdent leurs feuilles, les fusains du Japon complètement gelés. Mais à côté de cela il y a force lilas, cytises, les épines commencent à fleurir et il y a partout abondante promesse de fruits. J’ai dans ma petite mansarde un gros sac de sucre qui me rassure sur l’emploi qu’on en pourra faire et je pourrai remonter amplement la provision de comportes et de confitures.
Tu sais que ton chien a été donné à M. Sainte Maresville qui l’a, je crois, donné à son tour, Fox à Huré, Dora est défunte ; il ne reste donc que Fouine et Nabab que Michel prend tous les jours et qui se remettent à chasser ; Nabab a fait quelques bons arrêts. Ils ont du moins le mérite d’être beaucoup moins fous que Sultan et Fox. Ce dernier surtout était insupportable.
Ton pauvre papa[3] est à Lyon, il revient ce soir à Paris mais ne sera pas prêt à partir avec la colonie Degroote[4]-Jacques[5] qui s’ébranle demain. J’espère qu’il suivra Jeudi le mouvement car voilà Michel qui se verra peut-être forcé d’avancer son départ à cause d’une permission de son commandant[6]. Celui-ci pense être à Paris du 1er au 9 et Michel voudrait bien le voir, ce qui est en effet, assez important pour lui.
Je viens de nettoyer et arranger la chapelle : nous avons la messe demain et nous garderont le Saint Sacrement. Nous avons déjà eu la visite de M. le Doyen[7]. Michel a fait hier Bamières et Dommartin, je ne l’ai pas accompagné à cause d’un rhume encore florissant.
Je t’embrasse tendrement, cher enfant.
Emy
Notes
- ↑ Michel Froissart, frère de Louis, en convalescence.
- ↑ Alexandre Baudens, chauffeur chez les Froissart.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Lucie Froissart, son époux Henri Degroote et leurs enfants.
- ↑ Jacques Froissart, son épouse Élise Vandame et leurs enfants.
- ↑ Le commandant Charles Marc.
- ↑ Jean Baptiste Legay, doyen de Campagne-les-Hesdin.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 29 mai 1917. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_29_mai_1917&oldid=59407 (accédée le 22 décembre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.