Mardi 28 février 1882

De Une correspondance familiale

Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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28 Février 82[1]

Mon cher papa,

Je suis bien heureuse d’avoir enfin reçu des nouvelles de toi par Marie[2] car je commençais à trouver le temps bien long et j’attendais avec impatience une lettre disant que tu vas bien. Il paraît, mon père chéri, que tu te préoccupais de moi ; j’espère que tu es tout à fait rassuré car ce n’était pas un vrai mal de gorge, histoire de rire et de se rendre intéressante ; il n’y paraît plus maintenant et je vais recommencer à chanter.

Tante[3] va pas mal aujourd’hui, mais hier elle se sentait si fatiguée qu’elle n’est pas sortie du tout ; elle ne se débarrassera donc pas de cette fatigue qui la reprend si souvent ? C’est vraiment bien long et je ne crois pas que ce soit encore fini, car aussitôt qu’elle marche un peu elle est forcée de s’arrêter le lendemain. Voilà plus de deux mois qu’elle est ainsi dolente.

Dimanche (tu vas être bien content de moi) après avoir fait la classique visite à bon-papa[4], je me suis installée à peindre dans le cabinet d’oncle[5] et j’ai barbouillé du papier toute la journée. Les résultats de ce barbouillage laissent fort à désirer, l’eau ressemble assez à de la terre et les arbres à des rochers, c’est l’enfance de l’art, espérons qu’il ne restera pas toute sa vie pour moi en maillot.

Jean[6] est venu dîner ; il va un peu mieux sans être bien encore, il a une mine affreuse et se plaint sans cesse. Quel malheur qu’il ne puisse pas vivre toute l’année comme il le faisait à Villers !

Hier Cécile[7] m’a menée chez M. Flandrin[8] en passant chez Marie car il fallait s’entendre avec elle sur le retour. Petite Jeanne[9] est un peu mal entrain en ce moment, elle se prépare à percer plusieurs dents ce qui la rend toute grognon et ce qui lui retire ses belles couleurs ; mais il n’y a aucunement lieu de s’inquiéter car elle ne mange pas mal, et Marie la fait sortir tous les jours, c’est, je crois, le meilleur remède.

C’est Marie qui est venue me chercher à 4h chez M. Flandrin et m’a ramenée à [la maison où elle a passé un] bon moment avec tante. Elle est bien contente de ta générosité qui augmente singulièrement le produit de sa caisse[10]. Elle a je crois maintenant un peu plus de 900 F et ce n’est pas fini. Elle se donne du reste beaucoup de peine et elle mérite bien d’être récompensée en réussissant à donner une bonne somme à nos pauvres sœurs.

Adieu mon papa chéri, je t’embrasse de tout mon cœur. Quand donc pourrai-je le faire réellement ? Il y aura Jeudi 3 semaines que tu es parti ! comme le temps paraît long pour les absents.

Émilie


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville et sœur d’Émilie.
  3. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  4. Jules Desnoyers, récemment veuf.
  5. Alphonse Milne-Edwards.
  6. Jean Dumas.
  7. La bonne Cécile Besançon.
  8. Le peintre Paul Flandrin.
  9. Jeanne de Fréville.
  10. Voir la lettre de Charles Mertzdorff du 25 février.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Mardi 28 février 1882. Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_28_f%C3%A9vrier_1882&oldid=40929 (accédée le 18 avril 2024).

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