Mercredi 1er mars 1882
Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
1er Mars 82.
Mon cher Papa,
Comment ai-je fait pour n’être pas encore venue tranquillement t’exprimer toute ma reconnaissance pour ta si généreuse offrande[1]. J’en ai été bien contente cependant, de suite nous avons mis le billet dans ma petite boîte où il faisait un effet superbe ; et comme nous étions assez au large en ce moment nous avons pris ces 100 F dans notre poche et nous les avons effacés de la somme que nous te devons encore ; tu pourras donc mon cher Père, en inscrivant ta dépense mettre en regard le rendu de 100 F par tes enfants. Maintenant que j’ai tâché de te remercier de mon mieux ce qui était mon 1er devoir, je vais te parler de notre petite chérie[2] ; nous avons eu enfin hier matin l’explication de ces 4 nuits détestables et de sa mauvaise mine, la pauvre enfant en plus de ses dents qui évidemment sont en préparation, avait un mal dans l’oreille dont nous ne nous sommes aperçus que quand il a été percé et que par conséquent le mieux commençait ; depuis plusieurs jours elle ne voulait plus du tout se laisser laver sans crier et elle ne se couchait jamais à droite mais nous avions pensé que c’était un petit caprice ; aujourd’hui sa petite oreille coule toujours, nous la lavons au moyen d’une petite seringue avec de l’eau de guimauve et elle dort et mange mieux, il m’a semblé inutile de la conduire chez le médecin ; on me dit que les enfants sont souvent sujets à ces sortes de bobos. Il me semble n’est-ce pas que tu as eu autrefois un mal semblable et que tu as beaucoup souffert ; en somme notre bonne Jeannette a été encore assez courageuse. Elle continue à sortir chaque jour à moins que les giboulées ne viennent comme aujourd’hui empêcher sa promenade ; nous avons un temps d’Avril, vraiment trop chaud et trop beau pour la saison, nos lilas ont des bourgeons énormes, tout pousse, je crois que cette chaleur est fatigante pour les gens et les plantes, dès qu’on a fait 3 pas on se sent mou et bon à rien. J’espérais un peu voir tante[3] et Émilie[4] aux environs de l’heure du cours de dessin[5] mais je crains que la pluie ne les ait empêchées de venir jusqu’à moi. J’ai reconduit Lundi Émilie au Jardin, tante était encore bien fatiguée ; nous y dînons ce soir. Nous continuons à mener notre bonne vie uniforme et calme ; Marcel[6] travaille beaucoup, nous ne sortons pas et malgré cela je n’arrive à rien faire de ce que je voudrais. Je lis dans la revue des articles du duc de Broglie sur l’histoire de Prusse et d’Autriche[7] qui m’intéressent vivement, ma belle-mère[8] les lit après moi et en est enchantée ; tu vois que tes livres ne chôment pas, mon cher Père et quand tu viendras, ce qui j’espère ne tardera pas, tu en profiteras à ton tour car tu as plus le temps de lire ces choses-là ici qu’à Vieux-Thann.
Je t’écris en attendant le pauvre cousin Paul d’Arleux[9] qui m’a annoncé sa visite pour aujourd’hui ; quelle triste existence que la sienne !
Adieu, mon Père bien-aimé, je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime
ta fille
Marie
Bébé t’embrasse aussi.
Notes
- ↑ Voir la lettre de Charles Mertzdorff du 25 février.
- ↑ Jeanne de Fréville (« Bébé »).
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Cours de dessin avec Paul Flandrin.
- ↑ Marcel de Fréville travaille à la Cour des comptes.
- ↑ Probablement des articles d'Albert de Broglie (1821-1901) dans la Revue des Deux Mondes, qui paraîtront en 2 volumes en 1883 : Frédéric II et Marie-Thérèse : d'après des documents nouveaux, 1740-1742.
- ↑ Sophie Villermé, veuve d’Ernest de Fréville.
- ↑ Possiblement Paul Morel d’Arleux.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Mercredi 1er mars 1882. Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_1er_mars_1882&oldid=35006 (accédée le 18 décembre 2024).
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