Mardi 23 août 1864

De Une correspondance familiale

Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Cayeux-sur-Mer)

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Vieux-Thann

23 Août 64

Ma chère petite Gla

Comme je suis silencieuse avec toi. C’est très mal ; et tu dois me trouver bien égoïste de ne pas te faire partager ma joie d’avoir en ce moment nos chers parents[1]. Cependant combien je pense à toi, je te vois dans ta petite maison au bord de la mer[2], travaillant, t’occupant pour tous puis prenant ton bain et désirant surtout le retour de ton mari[3], et t’ennuyant de ne pas l’avoir… je te juge d’après moi, car ces coquins de maris ont le talent de se faire aimer de façon qu’on ne sait plus se passer d’eux ! Ils prétendent que ces petites femmes ont le même pouvoir. C’est bien le moins !

J’ai reçu ta bonne lettre et je t’en remercie ; tous les détails que tu me donnes sur votre vie, votre installation m’ont bien intéressée et j’en attends d’autres, car il faut que par la pensée nous soyons ensemble et puisqu’il n’y a qu’à l’aide de la plume que nous puissions nous communiquer, usons-en.

J’ai fait beaucoup causer Maman sur toi et tout ce qu’elle m’a dit m’a fait bien grand plaisir : < > tu peux te dire presque entièrement guérie il ne faut plus qu’un petit … ça viendra ! Qu’est-ce que tu me dis encore de Louise[4] ? A force de bénédiction, ça devient une calamité ! C’est triste que ses enfants soient si peu avancés, elle doit s’en tourmenter ; mais vois-tu c’est bien gentil les mioches, mais seulement l’on a toujours quelque chose qui préoccupe. Depuis 8 jours Mimi[5] est souffrante et sans trop savoir ce qu’elle a < > elle a été pâle, puis la nuit elle a de la fièvre ; nous pensions à la rougeole, mais rien ne paraît, et comme sa langue était un peu blanche nous lui avons donné un petit sirop purgatif, mais comme tous les enfants souffrants elle est un peu grognon et ne veut voir que Maman et Cécile[6], aussi dit-on que je la gâte. Ah ! que c’est difficile d’élever les enfants, d’être sévère sans l’être trop et cependant de l’être assez. Aujourd’hui elle me paraît mieux, il y a de l’orage, nous la garderons à la chambre.

Papa[7] est arrivé hier matin et avait manqué son train express, et a dû coucher à Mulhouse arrivant au milieu de la nuit. Tu comprends mon bonheur. Charles[8] est presque aussi content que moi, il n’y a que petite tante Gla qui manque. Ce matin, lorsque les enfants[9] sont venues me trouver dans mon lit car elles sont avec Cécile (on a trouvé que ça me fatiguait d’être réveillée la nuit et en quelques jours j’avais maigri sensiblement. Mais j’ai repris, on m’a grondée, on prétend que je m’occupe trop des enfants, cependant il n’y a aucun moyen de me ménager). Depuis le jour de l’arrivée de maman, Marie la femme de chambre est au pays heureusement qu’elle doit revenir aujourd’hui car avec la cuisinière et Cécile c’est trop court pour tant de monde. Nous allons tâcher de faire quelques promenades avec papa et maman, si les enfants vont bien je tâcherai d’en être car je n’ai pas bougé depuis mon arrivée ici. J’ai trouvé papa parfaitement bien, bonne mine, l’air entrain et si heureux d’être auprès de nous que tout le monde jouit en le regardant ; Maman est contente ; mais je la trouve un peu fatiguée, facilement émue, mais cependant elle est ne paraît pas mal. Je ne comprends pas qu’il y ait tout à l’heure 15 jours qu’elle est arrivée, c’est effrayant.

Tu as su notre petit incendie qui aurait pu devenir grave, mais heureusement, ça été arrêté en quelques minutes ; les pompiers ont admirablement travaillé.

Je te remercie pour m’avoir envoyé les dessins pour le coussin, je le fais avec maman. Demain nous dirons à maman que c’est pour elle en lui donnant un bouquet en votre et notre nom à tous. Mimi a fait une petite pelote pour bonne-maman Desnoyers[10]. Mimi : Qu’est-ce que tu vas faire ? la maman[11] : Je vais écrire à tante Aglaé. Mimi : On l’aime donc bien ta petite Gla. La maman : mais oui, je l’aime beaucoup et je veux lui dire. Mimi : Tu devrais ne pas lui écrire, ça fait que ça l’ennuierait et elle viendrait avec oncle Alphonse.

Adieu, ma Chérie, je t’embrasse bien bien fort et mes chouchous en font autant et le papa aussi car il a une < > Gla, et ton mari doit en prendre sa part car lui aussi a toute notre affection.

Eug.

Mes amitiés à Louise[12] et nos meilleurs souvenirs à M. Edwards[13] et à Mme Trézel[14]. Les enfants font de toutes petites amitiés à Jeanne, à Alphonse et à l’autre petite[15]. Founichon veut que je dise qu’elle les aime beaucoup.

Maman et papa t’embrassent.


Notes

  1. Jeanne Target et son époux Jules Desnoyers, en visite chez leur fille.
  2. Aglaé prend des bains à Cayeux-sur-Mer, port et plage dans la Somme.
  3. Alphonse Milne-Edwards.
  4. Louise Milne-Edwards, épouse de Daniel Pavet de Courteille et belle-sœur d’Aglaé. Elle est mère de Jeanne (née en 1861) et d’Alphonse (né en 1862) ; Marthe naît en 1864.
  5. Marie (Mimi) Mertzdorff, fille du premier mariage de Charles.
  6. Cécile, domestique affectée au service des petites Mertzdorff.
  7. Jules Desnoyers.
  8. Charles Mertzdorff, époux d’Eugénie Desnoyers.
  9. Marie et sa petite sœur Emilie (Founichon) Mertzdorff.
  10. Jeanne Target.
  11. Eugénie transcrit un dialogue entre elle et la petite Marie.
  12. Louise Milne-Edwards.
  13. Henri Milne-Edwards, père d’Alphonse.
  14. Auguste Maxence Lemire, veuve du général Camille Alphonse Trézel.
  15. Les trois enfants Pavet de Courteille.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 23 août 1864. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Cayeux-sur-Mer) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_23_ao%C3%BBt_1864&oldid=40865 (accédée le 21 novembre 2024).

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