Mardi 23 août 1892

De Une correspondance familiale





Lettre de Cécile Milne-Edwards, veuve d'Ernest Charles Jean Baptiste Dumas (La Gandonnière, à Nogent-le-Rotrou) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (château de Livet dans l'Orne)


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23 Août 92[1]

Chère enfant, nous avons trouvé hier en revenant de Brunehautpré une dépêche de Moscou que je te transmets. Elle est datée du 21 & est arrivée ici hier matin.

Arrive bien – Milne Edwards[2].

Maintenant c’est une lettre qu’il nous faut nous donnant quelques détails, mais nous ne pouvons pas l’espérer avant Jeudi ou Vendredi, ce qui est bien long. Les journaux parlent toujours de choléra à Moscou, que faut-il en croire ?

Je crains aussi que, dans le sens contraire, ton oncle en écrivant ne nous dise pas toute la vérité, ce qui nous laissera, quand même, une certaine inquiétude. Je ne serai tranquille qu’au retour & je pense qu’il en sera ainsi pour toi.

Cela m’aurait amusée d’être à Livet en même temps que votre architecte & de lui entendre donner telle ou telle raison pour telle ou telle chose. Je crois que tout ce dont tu me parles sera très bien mais j’espère qu’il consentira à modifier son campanile. Tu me le diras quand ce sera décidé. Vous aurez là une très jolie & même très belle habitation & je comprends le plaisir que vous avez à l’arranger.

Ici[3] je suis dans l’admiration des bâtiments de ferme, des murs de clôture etc. etc. mais je trouve regrettable d’avoir beaucoup dépensé pour améliorer une maison qui n’en était pas susceptible, étant donné le point où on l’avait placée. L’ancien propriétaire[4] valait à lui seul un troupeau d’oies tout entier. N’importe de quel côté on aurait posé cette maison elle serait mieux que là où elle est. C’est d’autant plus fâcheux que le domaine est très beau & le pays assez joli, nous avons fait quelques promenades en voiture très agréables. Nous sommes donc allés hier chez Émilie[5], elle est bien & ses enfants[6] aussi, Lucie n’a pas repris tout son embonpoint mais ce n’était pas indispensable & elle semble en fort bon état, les autres sont florissants, mais celle qui éclate de santé chez c’est Louise-Marie[7], elle ressemble à un Rubens, très blanche, très rose, très gaie, très mauvaise, toujours riant ou criant & ne souffrant pas la contradiction. Elle a à son service une douzaine de mots avec lesquels elle fait marcher son monde. Cécile[8] est à peu près la même. Quant aux parents[9], ils vont bien. Jean achète déjà des machines indispensables pour le moment où il ira à Launay & se réjouit de s’y installer bientôt ; Je crois qu’il lui faudra un peu de temps pour qu’il y élève un petit autel à l’Économie & que le culte lui en devienne cher.

Je ne connaissais pas Brunehautpré & l’ai visité du haut en bas avec intérêt. là, toutes les améliorations servent à quelques chose & elles ont été très grandes.

Adieu ma chère enfant, mes tendres amitiés & embrasse pour moi M. et Mme Perrichon & même l’employé de la Gare[10]. Comment ont-ils joué définitivement cette scène très drôle & très amusante ?

CMEDumas

Madame de Fréville[11] a-t-elle réellement retiré quelque bien de ses bains sulfureux ? Je le désire vivement.

Amitiés à ton mari[12].


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Alphonse Milne-Edwards assiste à Moscou au Congrès international d'archéologie préhistorique et d'anthropologie.
  3. À La Gandonnière, près de Nogent-le-Rotrou.
  4. Alexandre Pierre Gabriel Charles Hébert de Champozou et son épouse Marie Valentine Lecomte ?
  5. Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart et sœur de Marie.
  6. Jacques, Lucie, Madeleine et Michel Froissart.
  7. Louise Marie Dumas.
  8. Cécile Dumas, sœur aînée de Louise Marie.
  9. Jean Dumas et son épouse Marthe Pavet de Courteille.
  10. Les enfants Jeanne, Robert et Charles de Fréville ont probablement joué Le Voyage de M. Perrichon, comédie en quatre actes d'Eugène Labiche et Édouard Martin (1860) ; la pièce débute à Paris, gare de Lyon, où M. Perrichon, sa femme et sa fille prennent le train.
  11. Sophie Villermé, veuve d'Ernest de Fréville et belle-mère de Marie.
  12. Marcel de Fréville.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer cette page

« Mardi 23 août 1892. Lettre de Cécile Milne-Edwards, veuve d'Ernest Charles Jean Baptiste Dumas (La Gandonnière, à Nogent-le-Rotrou) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (château de Livet dans l'Orne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_23_ao%C3%BBt_1892&oldid=53301 (accédée le 15 novembre 2024).

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