Mardi 20 novembre 1900
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Douai), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris)
Douai, 20 Novembre 00
Ma chère petite Mie,
J’avais commencé à t’écrire hier mais j’ai eu un petit nombre de visites qui se sont succédé de telle façon que je n’ai pas eu un instant de libre dans toute l’après-midi.
J’ai du moins aujourd’hui l’avantage de pouvoir te remercier de la bonne lettre qui m’a accueillie ce matin, presque à mon réveil et de d’y répondre tout de suite.
Tout ce que tu me dis sur tes enfants, leurs occupations, leurs plaisirs et le gros chagrin de Françoise[1] m’intéresse vivement. Comme tu fais bien de donner un bon aliment sérieux et utile à l’activité de Jeanne[2], c’est si bon d’apprendre à s’occuper des autres et à utiliser les ressources que donnent l’intelligence et l’instruction. J’ai horreur des femmes banales et j’en vois tant ! je ne sais pas si c’est l’apanage particulier de la province ; je suis assez tentée de le croire. Tous mes compliments aussi pour les leçons d’accompagnement.
Je crois que mes filles[3] vont faire aussi de rapides progrès avec leur nouveau jeune maître de musique qui les pousse beaucoup et les fait travailler dans la perfection. Quelles excellentes leçons il donne ! je suis bien contente d’avoir eu le courage de rompre avec notre bonne Mlle Maillot, on s’endormait depuis deux ans.
Jacques[4] nous écrit qu’il s’est donné un effort dans la cuisse en jouant et qu’il est tout boiteux. Nous espérons que ce ne sera rien. Damas[5] doit aller le voir demain et jugera s’il faut se préoccuper de ce petit accident et le faire voir au médecin. Le pauvre garçon est toujours bien noyé dans sa philosophie, il se sent inférieur à sa classe et quoique ses professeurs l’encouragent beaucoup, il commence à trouver que c’est ennuyeux de tant travailler pour arriver à un si mince résultat. Pourtant il ne se décourage pas ce qui est capital et il est très content de tous ses professeurs jésuites ou laïques. Il a assisté Dimanche à une conférence que Brunetière[6] est venu faire à Lille et en a été enchanté. Le sujet était vaste et beau : Pourquoi croyons-nous. Nous nous sommes contentés de lire la conférence hier dans le journal de Lille.
J’ai été en grande correspondance avec Hélène[7] cette semaine : elle m’a demandé de lui procurer une personne pour aider sa cuisinière très souffrante en ce moment, et pour la remplacer au besoin. Élodie[8] a écrit tout de suite à sa sœur (que j’ai eue cet été comme aide) pour lui demander.
T’ai-je déjà dit combien je suis ravie du livre du P. Grou[9] ? jamais je ne te remercierai assez de me l’avoir fait connaître. Je n’en ai encore lu que quelques pages parce que c’est si beau que je ne me lasse pas de relire les mêmes passages, mais n’y eût-il que ces 2 premiers chapitres, ce serait assez pour exciter mon enthousiasme et ma reconnaissance envers toi, ma chérie, qui m’a procuré cet ouvrage.
Je t’embrasse de tout mon cœur, ma chérie, ainsi que tes chers enfants[10] et je t’envoie, ainsi qu’à Marcel[11], toutes les amitiés de Damas.
Émilie
Merci pour tes rideaux de salle à manger.
Notes
- ↑ Françoise de Fréville, 8 ans.
- ↑ Jeanne de Fréville, 19 ans.
- ↑ Lucie (14 ans) et Madeleine (11 ans) Froissart.
- ↑ Jacques Froissart, 16 ans, pensionnaire.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Ferdinand Brunetière, Les raisons actuelles de croire : discours prononcé à Lille le 18 novembre 1900 pour la clôture du 27e congrès des catholiques du nord, Paris, Librairie B. Bloud, 1902.
- ↑ Hélène Duméril, épouse de Guy de Place.
- ↑ Élodie Lecomte, épouse de Nestor Bricout, employée chez les Froissart.
- ↑ Possiblement le jésuite Jean Nicolas Grou (1731-1803) auteur d’ouvrages de piété : Science pratique du Crucifix (1789, in-12), et Méditations en forme de retraite (1796, in-12).
- ↑ Jeanne, Robert, Charles, Marie Thérèse et Françoise de Fréville.
- ↑ Marcel de Fréville.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Mardi 20 novembre 1900. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Douai), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_20_novembre_1900&oldid=54243 (accédée le 15 novembre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.