Mardi 17 janvier 1865

De Une correspondance familiale

Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)

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Vieux-Thann

17 Janvier 64[1]

Ma chère petite Gla,

Ce n’est pas permis cela ! Nous laisser ignorer les <nominations> les honneurs qui pleuvent sur ton mari[2] à la sueur de son front !… Comment tu me dis : « Alphonse ouvre son cours demain à 11 h 1/2 » Mais quel cours ? où ? comment les choses se sont-elles passées ? Rien n’est venu jusqu’à nous. Je me doute un peu de quel côté cela doit être ; et qu’il a déjà recueilli le fruit de ses labeurs de Novembre ; mais enfin il me faut des détails. Tu me diras il n’y en a pas à donner, le mérite de mon mari est reconnu et son nom est le seul qui pouvait être sur l’affiche. D’accord, aussi recevez tous nos compliments et nos souhaits que le succès réponde au mérite, et la fortune aux honneurs.

Midi ¼. Charles[3] n’est pas encore monté, je vais l’appeler ; lui, il est enfoncé dans quelque plan de machines et il oublie l’heure.

3 h 1/4. Je rentre, ma Chérie, depuis je ne sais combien de temps nous n’étions pas sorties[4], et malgré la neige qui couvre la terre, j’ai voulu faire faire un tour aux enfants ; nous sommes allés en voiture à la ferme[5], Charles avait à parler aux nouveaux fermiers ; Founi a dormi, maintenant, les voilà toutes les deux qui jouent à Hortense et Jeanne[6] ; on accorde le piano ; oh pauvre piano, je n’étudie guère, mais il faut que je m’y remette, car mes doigts sont déjà rouillés. Et l’allemand ? je voudrais essayer, mais on me décourage ; on dit que j’y passerai beaucoup de temps, que ça m’ennuiera et que je n’arriverai pas, et qu’il y a trop peu d’occasion de parler.

Je suis bien contente de savoir maman[7] mieux ; embrasse-la bien fort cette bonne petite mère. Dis-lui que nous pensons bien à elle (tu sais cette lettre est pour elle aussi). Qu’elle ne reprenne pas trop vite sa vie errante et soit bien prudente. Mme Mertzdorff[8] ne sort toujours pas, elle a été vraiment souffrante et est un peu changée. Nous allons toujours la trouver, elle est toujours charmante avec moi.

Tu vas décidément mener une vie active et mondaine, c’est bon signe ; je souhaite que tu te portes aussi bien que moi et cependant non, car je voudrais te voir une cause de fatigue que tu devines[9].

Je te plains de commencer à recevoir ; les premières fois ça va un peu t’agiter, mais après tu n’y penseras plus. Auras-tu quelques dames ?

Je suis bien contente que tu ailles trouver Céline[10], tu peux réellement lui être utile. Je ne puis croire que notre chère Amélie ne soit plus de ce monde ! quel coup épouvantable ! pauvre M. Delapalme. C’est lorsqu’on est heureux en ménage qu’on comprend la douleur affreuse de semblable malheur.

Depuis que je t’écris on a quitté 3 fois son jeu pour venir m’embrasser.

Que je serai contente vous avoir ici. Les enfants vous feront fête. Vous savez que vous nous avez promis les vacances de Pâques, vous ne pouvez pas manquer à votre parole.

Merci à ma petite mère pour sa bonne lettre et mes amitiés à papa[11] et à Julien[12].

Alfred[13] a écrit à Charles pour ce qu’il lui demandait. Il va bien mais les occupations ne lui permettent pas de quitter.


Notes

  1. Distraction d’Eugénie Desnoyers : il s’agit de 1865.
  2. Alphonse Milne-Edwards.
  3. Charles Mertzdorff, époux d’Eugénie Desnoyers.
  4. Eugénie et les deux fillettes de Charles : Marie et Emilie (Founi) Mertzdorff.
  5. Propriété de Charles Mertzdorff à Cernay.
  6. Imitation probable des cousines Hortense et Jeanne, filles d’Alphonse Duval et Bathilde Prévost.
  7. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  8. Anne Marie Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff et mère de Charles.
  9. Allusion à une grossesse espérée.
  10. Céline Desmanèches, dont la sœur Amélie, épouse d’Emile Delapalme est morte en couches en décembre 1864.
  11. Jules Desnoyers.
  12. Julien Desnoyers, jeune frère d’Eugénie et Aglaé.
  13. Alfred Desnoyers, frère aîné d’Eugénie et Aglaé.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 17 janvier 1865. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_17_janvier_1865&oldid=40743 (accédée le 15 novembre 2024).

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