Lundi 7 décembre 1874
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
A ma Marie chérie chérie[1]
Ta bonne lettre m'arrive à l'instant & je t'assure ma bonne grosse chérie que je trouve au contraire être un papa gâté. Gâté par ses bonnes filles[2] & surtout gâté par la tante[3] qui elle aussi pense à me donner de vos nouvelles lorsque vous ne le pouvez faire. J'apprécie bien cette dernière gâterie avec toutes les autres bien plus grandes, que l'on sent vivement. & n'en parle pas ; par une bonne raison c'est que je ne trouve pas les mots pour en exprimer la valeur comme mon cœur le sent.
Je vois que vous allez tous bien & que bonne-maman[4] aussi se remet ce qui fait bien plaisir à entendre. Les distractions ne vous manquent pas comme je vois la tante chérie s'entend à vous en procurer & se fatigue souvent pour cela ; mais je sais qu'elle ne fait pas violence à son bon cœur & comme elle ne vit absolument que pour les autres, ses petites chéries ont ses primeurs & l'Oncle[5] est bien un peu de connivence & partage un peu la manière de faire de votre tante.
Quoique j'aie laissé passer plusieurs jours sans vous donner de mes nouvelles, je n'ai pas grand chose à vous dire.
Samedi j'ai quitté la maison à 9h pour aller passer ma journée à Morschwiller, j'y étais attendu de sorte qu'il n'y avait aucune surprise. L'on fait le chemin de Lutterbach à Morschwiller de sorte que les voitures ne peuvent prendre cette route & même à pied il est difficile de passer mais j'ai choisi un jour de gelée de sorte que mon voyage était facile.
La blanchisserie marche assez convenablement & ses produits sont bons, il y a presque suffisamment à faire, aussi ce n'est pas pour elle que j'ai fait cette promenade mais pour les bons parents[6] qui sont si souvent venus passer leur Dimanche ici que je trouvais urgent d'aller les voir aussi à mon tour. L'on a beaucoup causé & j'ai quitté un peu avant l'heure à cause de la nuit qui arrive & je ne voulais pas me trouver sur ce mauvais chemin n'y voyant pas. J'ai préféré attendre à la gare une ½ h.
Comme Georges Duméril était encore un peu souffrant le matin de mon excursion je l'ai dit à bonne-maman qui de suite a décidé qu'elle viendrait à Vieux-Thann le lendemain prêcher un peu le jeune homme.
C'est aussi ce que l'on a fait & nous avons passé la journée d'hier ensemble à Vieux-thann. Seulement notre malade se sentant mieux avait passé une partie de sa nuit au Casino & n'écoutait guère le petit sermon de bonne-maman.
La matinée j'étais seul au bureau à faire le résumé de la consommation de toute chose à la fabrique & chaque fois que je le fais, ce qui me prend régulièrement quelques soirées, je trouve que l'on est trop prodigue & que je me creuse la tête à faire des réformes que je ne trouve ou ne fais pas.
Après le dîner l’on est allé au billard où les 2 jeunes gens[7] ont fait plusieurs parties, j'ai continué à causer avec bonne-maman. Tu nous vois & tu sais presque mots pour mots ce que nous avons pu dire pendant 5 à 6 heures. Ces bons parents sont si heureux à se trouver ici, à Morschwiller ils sont assez tristement surtout le Dimanche que je comprends qu'ils viennent souvent.
Vous ai-je dit que Mercredi 16 du mois je pense aller à Nancy, j'ai écrit à ma sœur[8] pour savoir si je vais proposer aux Henriet[9] de lui conduire leurs 2 filles[10]. Je n’ai pas de réponse encore & ne sais si les Henriet sont disposés à donner leurs filles. J'y vois peut-être une difficulté, c'est que je prends le train de 6h du matin & ne puis en prendre un autre, ne voulant pas donner une journée de plus à ce voyage déjà assez désagréable sans cela.
Mais comme j'aurai encore occasion de vous écrire plusieurs fois, vous serez au Courant de ce qui se fera.
Hier j'aurais dû aller chez les Berger[11] mais comme la veille j'avais voyagé avec M. qui allait à Montbéliard voir Louis[12] j'ai remis à un jour de la semaine. Je n'ai donc absolument rien à dire de vos amies[13].
Il a plu cette nuit mais toute la matinée est belle, comme hier aussi & depuis quelques jours il gèle bien un peu le matin mais dégèle dans le jour. Sauf le Rossberg[14] pas de neige.
Il est midi passé je n'ai que le temps & la place de vous embrasser de toutes mes forces comme je vous aime ton père
Charles Mff
Lundi 7 Xbre 74.
Notes
- ↑ Charles Mertzdorff utilise son papier à en-tête professionnel.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
- ↑ Georges Duméril et Léon Duméril.
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
- ↑ Louis Alexandre Henriet et son épouse Célestine Billig.
- ↑ Jeanne et Gabrielle Henriet.
- ↑ Louis Berger et son épouse Joséphine André.
- ↑ Louis Jules Berger, pensionnaire.
- ↑ Marie et Hélène Berger.
- ↑ Le Rossberg qui culmine à 1 200 m.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 7 décembre 1874. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_7_d%C3%A9cembre_1874&oldid=40605 (accédée le 15 novembre 2024).
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