Lundi 6 janvier 1919

De Une correspondance familiale


Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé)


original de la lettre 1919-01-06 page 1.jpg original de la lettre 1919-01-06 page 2.jpg


6 Janvier 19

Mon cher Louis,

J’espère que tu vas bien, mais tes nouvelles sont un peu rares. Quand tu nous écriras, dis-moi si les envois de beurre de Dommartin t’arrivent bien. Je voudrais le savoir car voilà le moment de renvoyer là-bas de nouvelles boîtes en carton et je voudrais savoir s’il y a quelque modification à apporter à l’emballage. C’est te dire que Michel[1] pas plus que toi ne m’en a parlé.

Nous revenons d’une bien triste cérémonie à Versailles. Notre jeune cousin Paul Duméril[2] si gentil vient de mourir de la grippe ! Tu sais qu’il s’était marié au printemps avec son infirmière major[3] passablement plus âgée que lui. Depuis lors il a été rendu à la vie civile et avait commencé sa médecine avec l’ardeur qu’il mettait à toute chose et qu’il avait apportée à ses devoirs militaires, étant passé de l’artillerie dans l’Infanterie. Après sa blessure il était parti avec une greffe osseuse du bras incomplètement prise dans les [saucisses] se persuadant qu’il pourrait y rendre des services avec un seul bras. Mais il a dû bien vite y renoncer pour rentrer à l’hôpital, seulement le pauvre bras ne s’est jamais ressoudé ! Son malheureux père[4] avait déjà perdu son fils aîné[5] il y a une dizaine d’années, le 2d[6] est dans la maison où était Daniel[7]… et il lui reste une jeune fille[8] de 20 ans ! et l’espérance d’une naissance[9] pour le mois d’Avril, nous voulons espérer que ce sera un héritier du nom. Ton papa[10], au cimetière, a retracé en quelques mots très bien improvisés la carrière militaire du pauvre jeune mort.

J’ai été ensuite sur la tombe du pauvre Jules[11] et je suis heureuse de pouvoir dire à Laure[12] que la croix est posée avec l’inscription. Elle compte venir à Paris vers le 15.

Les Degroote parlent d’y arriver le 13. Henri[13] doit y venir à cette date, je ne sais s’il emmènera toute la famille. Ils désirent quitter Bègles, je le comprends, mais j’appréhende le voyage, le séjour à Paris et l’installation à Wimereux en Février. Les enfants se portent si bien là-bas !

Je t’embrasse tendrement, mon cher petit.
Emy
Charles[14] va en Alsace, nous l’avons beaucoup engagé à chercher à te voir.


Notes

  1. Michel Froissart, frère de Louis.
  2. Paul François Marie Duméril.
  3. Gabrielle Bosson.
  4. Paul Duméril.
  5. Jean Duméril (1886-1907).
  6. Georges Fernand Charles Duméril (1889-1943).
  7. Probablement Daniel Dumas (†).
  8. Marie Thérèse Duméril.
  9. Naissance de Jean Pierre Duméril.
  10. Damas Froissart.
  11. Jules Legentil.
  12. Laure Froissart, veuve de Jules Legentil.
  13. Henri Degroote, époux de Lucie Froissart, père de Anne Marie, Georges, Geneviève, Odile et Yves Degroote.
  14. Possiblement Charles de Fréville.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Lundi 6 janvier 1919. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_6_janvier_1919&oldid=55172 (accédée le 21 novembre 2024).

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