Lundi 2 septembre 1811

De Une correspondance familiale


Lettre de Louis Benoît Guersant (Paris) à son ami Pierre Bretonneau (Chenonceaux)


Paris, 2 septembre 1811

C’est moi, mon cher ami, qui suis bien coupable, me portant bien, d’avoir attendu si patiemment de vos nouvelles, vous sachant toujours malade, d’après ce que vous aviez écrit il y a deux mois à M. Cloquet[1]. Je me suis reproché bien des fois ma négligence ; mais chaque jour je trouvais un nouveau prétexte pour remettre au lendemain, et je vous avouerai même, à ma honte, que si le domestique de M. de Villeneuve n’était pas venu ce soir m’apporter vos quarante-huit francs, en me disant qu’il partait demain pour Chenonceaux, je ne sais en vérité si ma réponse n’aurait pas été encore remise de quelques semaines ; cependant, mon cher ami, j’ai bien souvent pensé à vous, et nous en avons plusieurs fois parlé avec Duméril[2], Savigny, Cloquet et ma femme. Je suis bien fâché que vous ayez autant souffert de votre sciatique ; mais, néanmoins, cette nouvelle attaque de névralgie, que vous aviez déjà éprouvée ici, semble me prouver que les douleurs intestinales tiennent à la même cause.

Comment vous en débarrasser, voilà le point difficile ; mais au moins c’est une grande satisfaction pour vous, et pour tous vos amis, de ne voir dans cette maladie douloureuse aucune chose inquiétante. Bayle est fâché que vous n’ayez pas fait complètement le traitement de la colique des peintres ; peut-être, en effet, valait-il mieux le faire complètement ou ne rien faire du tout. Quant à moi, je vous engage fort à cesser toute espèce de remède et à observer ce que fera l’exercice du cheval aidé seulement du régime.

Je suis très pressé par le temps, et je me hâte de vous dire que Bayle compte sur votre observation le plus tôt possible et qu’il faut absolument que vous me l’envoyiez pour la lui remettre ou que vous lui écriviez. Duméril ira vous voir vers le commencement du mois prochain, avec son beau-frère[3] ; il sera plus heureux que moi et aura le plaisir de passer deux jours avec vous ; il est nommé pour le jury des officiers de santé ; il vous portera l’aiguille à cataracte, car Cloquet ne pourra vous aller voir.

Je viens de vous acheter trois livres de quinquina jaune royal à dix francs. Je le crois assez bon ; marquez-moi si vous en êtes content. J’ai fait tous les droguistes de la rue des Lombards, et c’est ce que j’ai trouvé de meilleur pour le prix.

Ma femmes est bien sensible à votre souvenir et me charge de vous dire mille choses honnêtes et à Madame[4] ; présentez-lui mes respects et recevez pour vous, en particulier, mon cher ami, l’assurance du plus sincère attachement.

Votre affectionné.

P.S. Excusez mon griffonnage, car je suis pressé par le temps ; je vous écrirai plus posément un autre jour.


Notes

  1. Jean Baptiste Cloquet, dessinateur, leur ami commun.
  2. André Marie Constant Duméril.
  3. Etienne François Delaroche.
  4. Marie Thérèse Adam épouse de Bretonneau.

Notice bibliographique

D’après Triaire, Paul, Bretonneau et ses correspondants, Paris, Félix Alcan, 1892, volume I, p. 207-209. Cet ouvrage est numérisé par la Bibliothèque inter-universitaire de médecine (Paris)

Pour citer cette page

« Lundi 2 septembre 1811. Lettre de Louis Benoît Guersant (Paris) à son ami Pierre Bretonneau (Chenonceaux) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_2_septembre_1811&oldid=43168 (accédée le 10 novembre 2024).

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