Lundi 2 août 1875
Lettre d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) à sa nièce Marie Mertzdorff (Port-en-Bessin)
M. Jeandenand ne sait pas bien la classification des Ruminants, et pendant qu’il va répondre à M. Planchon[1] je vais me distraire un peu en écrivant à ma bonne grosse fille Marie. Il y a si longtemps que je suis tout seul que j’ai absolument besoin de bavarder et comme je trouve que mes collègues, en robe rouge et noire, ne me comprendraient pas bien je m’adresse à tes oreilles.
Si je te parais un peu confus, attribue-le aux réponses biscornues que je ne puis m’empêcher d’écouter un peu et qui me font bondir.
Je viens d’apprendre tout à l’heure qu’il n’y avait pas de candidat pour le prix Menier[2], j’ai crié bien haut que c’était déplorable mais au fond j’étais enchanté, car j’aurais été bien embarrassé pour trouver un après-midi à consacrer aux épreuves du concours !
Je te charge de dire à ta tante, tantine, tantinette[3] que je n’ai rien entendu dire de Frédéric[4]. J’en conclus qu’il est toujours dans le même état. Je le crois d’autant plus que M. et Mme Buffet[5] étaient hier, avec le président de la République[6], au à l’ouverture du Congrès de géographie.
Après le dîner Charles[7] est venu me chercher pour aller faire un tour dans la ménagerie. J’y ai trouvé le reste de la famille mais absence presque complète de Rats, un seul a été tué dans un arbre où il se croyait à l’abri de tout danger. Bichette était bien triste de votre départ elle trouvait que sa part de pain avait bien diminué. La pauvre petite elle va être bien seule maintenant, car tous ces soirs-ci nous ne viendrons pas. Les Brongniart courent de fêtes en fêtes et de plaisirs en plaisirs. Aujourd’hui, ils vont à Versailles ; puis le soir à l’opéra. Demain ils feront quelqu’autre chose analogue et ainsi de suite jusqu’à la distribution des prix.
J’espère que vous allez me donner une longue série de commissions, afin que j’aie le plaisir de vous apporter une foule de choses. Veux-tu que je prenne, à ton intention, un beau réveille-matin tout neuf et sonnant tous les jours à cinq heures et demie pour le départ de Bayeux, tu n’as qu’à parler j’irai en acheter un sur le quai.
Je t’embrasse bien fort sur ton front capitonné.
AME
2 août 1875.
Notes
- ↑ Possiblement Gustave Planchon (1833-1900), professeur à l’Ecole de Pharmacie.
- ↑ Prix de 500 francs fondé en 1859 par les chocolatiers Menier, décerné chaque année à l’École de Pharmacie.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Frédéric Duval.
- ↑ Marie Pauline Louise Target, épouse de Louis Joseph Buffet.
- ↑ Edme Patrice Maurice de Mac Mahon.
- ↑ Charles Brongniart.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 2 août 1875. Lettre d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) à Marie Mertzdorff (Port-en-Bessin) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_2_ao%C3%BBt_1875&oldid=59460 (accédée le 18 décembre 2024).
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