Lundi 22 avril 1918 (B)

De Une correspondance familiale



Lettre de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (mobilisé)


original de la lettre 1918-04-22B page 1.jpg original de la lettre 1918-04-22B page 2.jpg


Campagne-lès-Hesdin le 22/4 18

Mon cher Louis,

Tu as peut-être reçu une lettre (pour notre cousine Alexandre Froissart[1]) à laquelle tu n’as pas dû comprendre grand-chose : elle me renvoie une lettre pour toi que j’ai mise dans une enveloppe pour elle. Quel gâtisme de ma part.

Je te renvoie donc cette lettre, d’un intérêt un peu rétrospectif. Je rentre de [passer] 2 jours à Boulogne et Neufchâtel[2] Pas-de-Calais pendant que tu es arrivé peut-être à Neufchâtel[3] (Seine-Inférieure). La circulation est plus complexe que jamais ici.

Jacques[4] paraît revenir dans la Somme vers Blangy[5] et Bresles et ton flair d’artilleur qui a senti un [blanchiment] dans ton voisinage doit se réjouir de sentir Brunehautpré dans un voisinage relatif.

Je sais que tu as franchi un endroit où nous-mêmes [  ] un certain soir où nous risquâmes bien de tuer un homme avec notre moto et de nous faire tuer nous-mêmes. Ton corps n’est pas de ceux dont on m’a signalé l’arrivée en pays Flamand et je te situe vers Gisors.

De ce pays Flamand, il nous arrive des bandes de réfugiés bien qu’on en ait [exporté] beaucoup : [  ] camion amenait hier ici 12 vieillards qu’on a logés chez nos sœurs et Leroux a été, par moi, autorisé ce matin à faire venir l’autre moitié masculine de l’hospice civil de Lillers et 9 sœurs qui les accompagnent. Tout cela va loger chez moi. C’est pour le coup qu’on pourra me faire payer la patente de logeur en garni, comme jadis à [Aire].

Je trouve en rentrant lettres et dépêches de ta mère[6].

Henri[7] (qui avait besoin de se reposer) est parti pour chercher un asile vers Royat.

« Bonne nouvelle de Laure[8] du 15 ».

En rentrant ici j’apprends que les Anglais ont fait filer Samedi tous nos boches. Je pars à Montreuil pour demander qu’on les remplace par quelque chose. (Il y a ici même depuis 15 jours une compagnie [cavalerie] de Aigues-Mortes du 8e [territorial] qui ne fait rien du tout).

J’ai eu une petite alerte, sans suite, à Boulogne-sur-mer. J’y ai trouvé en un triste état sans qu’il y ait eu de victimes la maison de Lavocat et le local où se tenaient naguère le général J. B. Dumas[9] et toute sa suite. (J’ai appris que après avoir erré à Amiens, Beauvais, Les Andelys, ils reviennent au point de départ)

Bonnes nouvelles de Michel[10] (via Paris) du 15. Il était toujours au même endroit.

Bonnes aussi directement de Pierre[11] qui est parfaitement au calme. Ecris-moi souvent un mot.

Le fils aîné Lavocat a un os d’une jambe coupé sectionné et raccourci ces jours-ci. Il est à Beauvais : sa mère[12] l’a vu et a confiance.


Notes

  1. Probablement Marie Carette, veuve d'Alexandre Froissart.
  2. Neufchâtel-Hardelot.
  3. Neufchâtel-en-Bray.
  4. Jacques Froissart, frère de Louis.
  5. Probablement Blangy-Tronville, plus proche de Bresles que Blangy-sous-Poix, et théâtre d’une offensive allemande.
  6. Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart.
  7. Henri Parenty.
  8. Laure Froissart, épouse de Jules Legentil.
  9. Jean Baptiste (Noël) Dumas.
  10. Michel Froissart, frère de Louis.
  11. Pierre Froissart, frère de Louis.
  12. Elise Eugénie Darsy, épouse d’Albert Lavocat.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Lundi 22 avril 1918 (B). Lettre de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_22_avril_1918_(B)&oldid=56439 (accédée le 21 novembre 2024).

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