Lundi 1er mai 1843 (A)

De Une correspondance familiale


Lettre de Félicité Duméril (Lille) à sa belle-mère Alphonsine Delaroche, épouse d'André Marie Constant Duméril (Paris)


de Mme Félicité Duméril

Lille 1er Mai 1843.

Ma chère et bonne maman,

C’est avec une bien grande joie que je viens vous annoncer que, depuis deux jours, maman est infiniment mieux[1] : nous jouissons tous extrêmement de cette amélioration, survenue presque tout à coup, mais nous sentons bien cependant que, malgré cet heureux changement, on ne peut pas se croire encore exempts de soucis et d’inquiétudes[2] : hier, la journée s’est passée, pour nous tous, de la manière la plus agréable : après la messe, maman, Eugénie et moi, avons été voir ma tante Vasseur[3], et cette bonne Eléonore[4], que nous avons retrouvée ensuite chez ma tante Declercq[5], qui avait invité une grande partie de la famille, pour le second déjeuner, qu’on pouvait comparer à un dîner, par la quantité de plats : ce repas fut gai, et chacun avait l’air bien content : après le déjeuner, comme il faisait très beau, et qu’on avait parfaitement mangé, on convint de ne dîner qu’à sept heures, et d’aller aux petites maisons de campagne de mes oncles Declercq et Cumont[6] : nos enfants paraissaient très heureux : Caroline[7] avait le bras de sa cousine Esther, avec laquelle elle s’entend à merveille, et Léon prenait toujours les devants, en tenant une baguette à la main, et en faisant semblant de faire aller un cheval : cet enfant était infatigable : mes tantes ne comprenaient pas qu’il pût courir si longtemps : il n’a pas été question du sommeil de la journée, pour ce jour-là ; mais en rentrant en ville, le soir, il s’est endormi dans les bras de la bonne[8], et ne s’est éveillé, ce matin, qu’à huit heures : vous voyez, chère maman, que notre petit est en parfaite santé : tout le monde lui trouve une figure charmante, mais on ajoute aussi, qu’il est impossible qu’il conserve des traits si fins.

Depuis que j’ai terminé le commencement de cette lettre, tout a bien changé, ma chère et bonne maman : ma mère, qui était si bien hier, a été reprise, il y a une heure, par sa préoccupation habituelle, qui la fait tant souffrir et fait souffrir si fortement les autres ; je ne veux pas entrer de nouveau dans les détails de l’émotion que nous avons tous éprouvée, et dont ma pauvre sœur[9] a été si fortement ébranlée ; je vous écris, dans ce moment, du bureau de mon oncle Declercq, chez lequel nous avons fait notre second déjeuner ; ma mère est sortie, et j’aime à penser que son esprit va se calmer. Embrassez bien fort pour moi mon bon Constant[10], dites-lui, je vous prie, que la lettre, que j’ai reçue hier, m’a fait le plus grand plaisir : c’est un repos d’esprit pour moi, de songer qu’il passe chez vous tous les moments qui ne sont pas employés à son travail. Ce bon Auguste va vous écrire dans cette lettre, et il vous rendra compte des démarches qu’il a faites avec papa[11], pour vous procurer un appartement commode et une chambre indépendante des autres. Je suis bien contrariée de n’avoir pas pu me présenter chez Mme Rainbeaux[12] ; vous la verrez sûrement avant votre départ ; je vous serais alors obligée de lui exprimer toute mon amitié, et mon vif regret de ne l’avoir pas vue avant de partir.

Eléonore trouve très jolie la mousseline laine que j’ai achetée pour nos enfants ; auriez-vous la bonté, chère maman, de vous assurer s’il y en a encore, au magasin de la ville de Paris : il lui en faudrait douze mètres : dans le cas où il n’y en aurait plus, elle vous serait très obligée de lui choisir une autre mousseline laine, qui pût ressembler un peu à celle-là : il lui en faudrait douze mètres, et elle désire que ce soit dans les prix de vingt-neuf à trente sous le mètre.

Au revoir, chère et bonne maman ; recevez, ainsi que mon cher papa[13], l’assurance de mon bien vif et tendre attachement. J’embrasse les enfants pour vous. Tous les deux pensent à leurs parents de Paris, et à leur bon petit père.

Eléonore vous présente ses respectueuses amitiés et se réjouit bien de vous revoir.

F. Duméril.


Notes

  1. Alexandrine Cumont, épouse d’Auguste Duméril (l’aîné).
  2. Alexandrine Cumont est peu favorable au mariage de sa fille Eugénie avec son cousin Auguste Duméril.
  3. Fidéline Cumont, épouse de Théophile (Charles) Vasseur.
  4. Eléonore Vasseur, fille de Léonard vasseur et d’Angélique Cumont, cousine.
  5. Césarine Cumont, épouse de Guillaume Declercq.
  6. Valéry Cumont, époux d’Esther Le Lièvre ; ils ont deux enfants, Esther et Charles.
  7. Caroline Duméril, fille de Félicité, 7 ans ; Léon, son frère, 3 ans.
  8. Possiblement Hortense.
  9. Eugénie Duméril.
  10. Louis Daniel Constant Duméril, mari de Félicité, fils d’Alphonsine, resté à Paris.
  11. Auguste Duméril (l’aîné).
  12. Cécilia Sévelle, épouse d’Emile Rainbeaux.
  13. André Marie Constant Duméril.

Notice bibliographique

D’après le livre de copies : lettres de Monsieur Auguste Duméril, 1er volume, p. 385-388

Pour citer cette page

« Lundi 1er mai 1843 (A). Lettre de Félicité Duméril (Lille) à sa belle-mère Alphonsine Delaroche (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_1er_mai_1843_(A)&oldid=40346 (accédée le 26 avril 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.