Lundi 16 octobre 1916 (B)
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne)
Paris, 16 Octobre[1]
Mon cher Louis,
J’avais commencé à t’écrire hier soir pour te remercier de ta lettre, mais… ma plume traduisait d’une façon si capricieuse ce que je croyais penser que j’ai dû y renoncer ; était-ce mon esprit qui rêvait ?... c’est encore possible. Je te dirai plus sûrement à cette heure-ci que nous avons été très heureux de recevoir de tes nouvelles, bien qu’elles ne soient pas aussi parfaites que nous les eussions désirées puisque tu parles encore d’une légère rechute.
T’ai-je dit que Georges[2] avait aussi payé son tribut à l’entérite et que, venu en permission le Dimanche 8, ton père[3] l’avait trouvé si souffrant qu’il l’a fait entrer à l’hôpital au Lycée Buffon. Il doit retourner à Chartres aujourd’hui, à peu près remis.
Made[4] va très bien. Son fils[5] aussi ; il crie, il tète, il dort d’une façon satisfaisante. On le baptise demain, Élise[6] et Christian[7] marraine et parrain.
Les Pommier nous annoncent la naissance d’une fille. Ils ont déjà un fils.
Nous avons eu avant-hier une longue lettre de Pierre[8] tout à la joie d’avoir son 105 et de faire de la belle et bonne besogne. Il était un peu au Nord de Chaulnes. C’est bien ce que nous pensions, mais il procède par bonds en avant et est peut-être ailleurs maintenant.
T’ai-je dit que Dagens, d’après une lettre de Michel[9] à M. l’Abbé[10] a des raisons de croire que Michel est maintenant sur la rive droite car il se situe près de l’endroit où était Dagy[11] qui n’a jamais quitté cette rive. Pauvre Dagens, cela t’impressionnera de le voir ainsi mutilé. C’est triste, mais on ne peut s’empêcher de se réjouir de le voir désormais à l’abri, c’en est du moins un de sauvé, il y a déjà tant de victimes dans notre petit groupe ! Il a l’accent bien plus fort que lorsqu’il était parisien, je pense que c’est dû au long séjour au front avec ses congénères. Mais cela ne lui a rien enlevé de sa finesse et il est plus gentil que jamais avec sa grande simplicité qui va jusqu’à l’inconscience de sa valeur personnelle et qui se traduit extérieurement par son regard un peu distrait. Il m’a promis de venir nous voir : je vais l’inviter avec précision à déjeuner pour Jeudi ou Dimanche. Nous pensons partir pour Brunehautpré la semaine prochaine, sans attendre pour tante Marie[12] un dénouement qui peut tarder encore un peu…. Je t’embrasse très tendrement, mon petit et je me réjouis à l’idée de te voir bientôt. Si nous sommes à Brunehautpré quand tu auras ta permission tu viendras nous y rejoindre. Mais tu trouveras toujours à Paris Françoise et Jeanne[13].
Ton papa t’embrasse.
Emy
Ton papa t’envoie cette coupure qui t’amusera comme nous, je pense.
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Georges Dumas.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Madeleine Froissart, épouse de Guy Colmet Daâge.
- ↑ Hubert Colmet Daâge.
- ↑ Élise Vandame, épouse de Jacques Froissart.
- ↑ Probablement Christian Colmet Daâge.
- ↑ Pierre Froissart, frère de Louis.
- ↑ Michel Froissart, frère de Louis.
- ↑ L’abbé Marcel Pératé.
- ↑ Dagy, diminutif de Jean Dagens.
- ↑ Marie Stackler, veuve de Léon Duméril.
- ↑ Françoise Maurise Giroud, veuve de Jean Marie Cottard, et Jeanne Veillet, au service des Froissart.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 16 octobre 1916 (B). Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_16_octobre_1916_(B)&oldid=62144 (accédée le 21 décembre 2024).
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