Lundi 13 mars 1882

De Une correspondance familiale

Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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13 Mars 1882

Mon cher Papa,

Marie[1] vient de me donner ta lettre qu’elle a reçue hier, et je vois avec plaisir que tu te portes bien, tu nous donnes un récit si fidèle de toutes tes journées que nous pourrons te suivre sans difficultés, d’autant plus que pour toi, comme pour nous, les jours se suivent et se ressemblent. C’est dans 8 jours que tu vas à Colmar, ce petit voyage devrait bien te donner envie d’en faire un plus long : il fait si beau, c’est charmant de voyager par un temps pareil. Et puis, sais-tu qu’il y a bien longtemps que tu nous a quittés : c’était le 17 février, il y a donc plus d’un mois. Tu penseras à cela, n’est-ce pas père chéri, et je suis bien sûre que mon idée te plaira et que tu ne tarderas plus beaucoup à venir voir tes enfants.

Jean[2] va mieux, j’ai passé une grande partie de la journée avec lui ; il est encore dans son lit, mais sans fièvre et presque sans mal de gorge, seulement il est d’une faiblesse telle que tante Cécile[3] se décide à lui faire abandonner toute espèce de travail et sur le double avis de M. Dewulf[4] et de M. Empis[5], on va l’emmener à la campagne. Ce sera probablement sur les bords de notre cher Léman, à Clarens, que tante Cécile ira se réfugier car les environs de Paris et même Launay ne seraient pas assez chauds à cette époque-ci ; la perspective des promenades à cheval et en bateau, et surtout des vacances complètes a l’air d’être fort du goût de maître Jean.

Bonne-maman Trézel[6] est toujours bien souffrante ; M. Dewulf en est assez inquiet : elle tousse pas mal et surtout elle demeure très indifférente à tout ce qui se passe autour d’elle, elle ne se rappelle pas qui elle a vu. Cette nuit tante Louise[7] a couché dans sa chambre, et Mme Trézel n’a pas eu l’air de s’apercevoir de ce changement pourtant extraordinaire. Ce qu’il y a de plus terrible encore, c’est qu’elle a 92 ans, et à cet âge tout est grave.

J’ai vu Marie tout à l’heure chez Mme Dumas[8] où elle est venue nous trouver avec sa fille[9] ne nous ayant pas rencontrées ici.

Si je ne te parle pas de moi, c’est que je suis complètement rentrée dans mon état ordinaire.

Quel triste hiver nous passons, on ne sort pas des malades. Adieu père chéri, je t’embrasse bien fort comme je t’aime.

Émilie


Notes

  1. Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville, et sœur d’Émilie.
  2. Jean Dumas.
  3. Cécile Milne-Edwards, épouse d'Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  4. Le docteur Louis Joseph Auguste Dewulf.
  5. Le docteur Georges Simonis Empis.
  6. Auguste Maxence Lemire, veuve de Camille Alphonse Trézel.
  7. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  8. Probablement Hermine Brongniart épouse de Jean Baptiste Dumas.
  9. Jeanne de Fréville, fille de Marie Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Lundi 13 mars 1882. Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_13_mars_1882&oldid=40252 (accédée le 15 novembre 2024).

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