Jeudi 6 juillet 1876

De Une correspondance familiale

Lettre de Paule Arnould (Paris) à son amie Marie Mertzdorff (Paris)

original de la lettre 1876-07-06 pages 1-4.jpg original de la lettre 1876-07-06 pages 2-3.jpg


6 Juillet 1876.

Ma bien chère Marie,

Je n’ai pas besoin, n’est-ce pas de t’exprimer mon vif regret de ne pas vous[1] avoir rencontrées hier. C’était, en effet, d’une chance bien douteuse que d’aller chez des voyageuses une avant-veille de départ, à la fin d’une après-midi. En le demandant à Pierre[2] qui m’a conduite j’aurais pu venir plus tôt mais étant il a dû me reprendre cette nuit les temps qu’il m’a donné et il en aurait pris bien plus si nous étions venus plus tôt car nous avons été à Sceaux en sortant du Jardin ; nous c’est bien ennuyeux de ne pas sortir seule ! si j’avais pu m’échapper j’aurais été si contente d’aller vous embrasser, mes Amies chéries. Nous allons nous quitter pour bien longtemps sans avoir fait une bonne provision de bons baisers et je trouve cela très triste. Espérons, ma chère Marie, que tu vas revenir avec une mine bon teint et que tu laisseras sous le beau ciel des Pyrénées tes vilains rhumes.

La lettre d’Emilie m’est arrivée Mardi 1 heure avant le départ de Mère[3] et de Mathilde[4] et dans ce moment je grille devant une lettre de ma chère Maman à Père qui ne reviendra de Sceaux que tout à l’heure ; elle est datée de Puyôo[5] et a dû être écrite en chemin de fer. Mais quelle chaleur il a fait hier et que cette pauvre Mère a dû en souffrir avec ses deux heures de voiture, son installation, etc. je t’assure que cette nuit m’a bien soulagée en pensant à elle ! Je n’ai pas encore trop senti le vide de son absence, j’ai été si occupée !... mais je en vois l’étendue de ce vide puisque moi, ton étourdie d’amie, j’ai ces deux grandes places à combler et des devoirs si sérieux à remplir, maîtresse de maison, garde-malade, mère de famille, mais surtout compagne de mon bon Père. Je tâche d’être très calme, c’est la première chose à faire pour ne pas tout oublier ; du reste, si cette tâche m’est imposée c’est que je peux la remplir, je dois donc la recevoir avec confiance et ne pas me décourager des écoles que je ferai. Mais comme on sent le prix de ce qu’on a plus et que c’est désagréable d’être obligée de se décider sans aller demander ce qu’on doit faire, c’est si commode ! Etre sans Mère et sans Mathilde on ne se figure pas ce que c’est ! je commencerai à connaître ces deux trésors en en étant privée ; mais je ne les connaîtrai jamais car je m’aperçois toujours que je ne les connais pas quand je crois tout apprécier.

Nous avons eu Mardi des nouvelles de Lucy[6] par son mari qui a passé quelques heures à Paris, c’est toujours la même chose, on est ennuyé de cette toux qui persiste, elle reprend toujours un peu de forces ; les petites[7] vont très bien.

Mon petit malade[8] va bien, il est un peu grognon aujourd’hui je pense que c’est la chaleur, nous allons aller au Luxembourg.

Je te quitte, ma Marie chérie, pardonne-moi le décousu d’une lettre écrite en je ne sais combien de fois et en expliquant des images. Je te prie d’embrasser ta chère Tante[9] et ma chère Emilie pour moi ; pour toi, je t’envoie mes meilleurs souhaits pour ton voyage et toutes sortes de tendresses. Crois bien à la vive affection de ton amie

Paule A.


Notes

  1. Marie Mertzdorff et sa sœur Emilie.
  2. Pierre Arnould, frère aîné de Paule.
  3. Paule Baltard, épouse d’Edmond Arnould.
  4. Mathilde Arnould.
  5. Puyôo dans les Pyrénées-Atlantiques.
  6. Lucy Arnould, épouse d’Alfred Biver.
  7. Marguerite et Justine Jeanne Biver.
  8. Probablement le petit Marcel Arnould.
  9. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 6 juillet 1876. Lettre de Paule Arnould (Paris) à son amie Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_6_juillet_1876&oldid=40137 (accédée le 7 octobre 2024).

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