Jeudi 5 février 1880 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1880-02-05 B pages 1-4.jpg original de la lettre 1880-02-05B pages 2-3.jpg


Paris 5 Février 1880

Mon cher Papa,

La dépêche de ce matin t’a déjà mis au courant du résultat de la visite d’hier à l’appartement ; tu vois où nous en sommes ; plus je vais plus j’ai envie de cette petite maison qui me paraît tout à fait agréable et commode, c’est grand, c’est aéré, on doit y être absolument chez soi et quand je compare cela aux appartements même les plus gran vastes que je connaisse je trouve la petite maison 100 fois plus gentille ; bref malgré tous mes efforts pour ne voir que les mauvais côtés de cette installation en m’exagérant tous les inconvénients dont je t’ai déjà parlé avec détail, je ne puis m’empêcher d’en être fort enthousiasmée et de la désirer beaucoup ; je crois que nous y serions si bien ! M. de F.[1] aussi avait été très séduit d’abord, mais depuis qu’il sait combien il faudrait de réparations et le propriétaire[2] ne voulant accorder aucune diminution, il est très ébranlé, trouve que ce ne serait pas raisonnable, qu’une dépense pareille ne s’accorderait pas avec notre budget (bien entendu il ne soupçonne pas ce que tante[3] t’a demandé), il trouve que nous abusons déjà de toi en acceptant toute la somme que tu veux bien nous donner pour ta chambre (elle ne serait pas fictive au moins dans le pavillon de la rue Cassette), il craint que tu ne penses qu’il est bien indiscret et aimant trop à marcher grandement et ne veut plus absolument influer en rien dans les négociations avec le propriétaire de ce que nous appelions déjà notre future demeure. Il dit qu’il serait plus sage de ne prendre qu’un petit appartement mais et reparle de ce qu’il a vu boulevard Saint-Germain et rue Barbet de Jouy mais moi qui ai vu la petite maison et qui y ai tant rêvé tout me paraît maintenant trop vert et bon pour des goujats. Cependant mon Père chéri, c’est peut-être lui qui a raison et moi qui ne suis pas assez sage ; tu nous gâtes déjà tant que c’est vraiment abuser que de t’exposer encore notre triste situation aussi sache bien que c’est tante qui voyant mon regret a pris sur elle de lancer la dépêche et que je n’y suis pour rien ; c’est vraiment bien considérable des arrangements pareils ! Ce matin nous avions dit à M. de F. d’y passer encore pour savoir si décidément le bonhomme ne voudrait faire aucune concession mais il tient bon, il dit avoir une autre locataire en vue au qui paraît tenir beaucoup à son pavillon et il faut que Samedi matin nous lui donnions une réponse définitive justement à cause de cette personne. Voilà, mon Père chéri, les grands événements de la semaine, je suis bien fâchée que tu ne sois plus encore parmi nous pour juger par toi-même et nous donner ton conseil car par lettre on n’explique jamais nettement les choses ; j’espère que demain matin nous aurons un petit mot de toi, en attendant je t’embrasse de tout mon cœur te demandant pénitence et absolution si j’ai eu tort de m’attacher trop à cette idée de pavillon qui est peut-être ridicule ; te remerciant au contraire mille et mille fois si tu veux bien garnir mon nid futur de plumes et de duvet et me le rendre agréable ; les 2 choses, suivant que tu en décideras je les ferai de tout mon cœur, ne regrettant rien si ce n’est pas raisonnable mais bien contente si cela l’est.

ta fille qui t’aime de tout son cœur,
Marie

Nous allons de ce pas voir un petit hôtel plus dans nos cordes que M. de F. [a vu] du côté des Invalides mais je trouve cela atrocement loin [  ].
J’oubliais de te dire que l’architecte qui a visité la maison de la rue Cassette, que les de Fréville connaissent depuis fort longtemps et dans lequel ils ont grande confiance dit que pour le prix actuel des appartements le loyer de 8 000 F qu’on nous demande ne lui paraît pas exagéré.


Notes

  1. Marcel de Fréville fiancé de Marie Mertzdorff.
  2. M. Cauderon ?
  3. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 5 février 1880 (B). Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_5_f%C3%A9vrier_1880_(B)&oldid=40120 (accédée le 15 novembre 2024).

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