Jeudi 22 juillet 1880
Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Villers-sur-mer) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Villers-sur-mer 22 Juillet 80
rue du Presbytère
Que deviens-tu donc, mon cher Papa ? C’est en vain que chaque matin je regarde les lettres que le facteur apporte, je ne puis découvrir le timbre de ’Alsace et l’écriture de mon Père chéri. Heureusement que j’ai à Launay de meilleures correspondantes[1] et j’ai su par elles que tu vas bien et que tu as même fait une grande expédition à la Rangen[2] par le chemin le plus raide et en plein midi ! C’est admirable et je t’assure qu’aucun de nous n’aurait eu soit le courage soit la force d’entreprendre dans les mêmes conditions une course pareille. J’espère que tu n’en auras pas été trop fatigué et que de n’est pas cela qui t’empêche de nous écrire.
Ici on se porte à merveille ; nous avons tous les deux[3] déjà profité du bon air que nous respirons et nous avons des mines superbes ; jusqu’à présent nous avons passé toutes nos journées dehors à jouir de la mer et du beau temps ; Marcel a acheté au Louvre[4] avant de partir un parasol énorme qui se démonte et dont l’extrémité du manche peut se planter dans le sable cela forme ainsi une sorte de petite tente où nous sommes très agréablement pour lire, travailler et causer. Quand la mer est basse Marcel va pêcher avec un immense filet qu’il pousse devant lui et il reste ainsi pendant deux ou trois heures, dans l’eau jusqu’à la ceinture se livrant à cet exercice violent. Moi j’assiste à la levée du filet et je constate généralement que la pêche a été très belle ; nous mangeons à tous nos repas des grandes quantités de crevettes et nous avons déjà eu deux fritures de petits poissons dont je ne te parle pas car je sais que cela te fait pitié de manger d’aussi petites bêtes.
Mme et Mlle Schlumberger[5] sont ici en ce moment ; nous les avons vues parlant avec une dame de la Cour que Marcel connaît et je ne serais pas étonnée qu’elles m’aient reconnue car depuis ce temps-là la petite jeune fille nous salue. Les connais-tu bien ? Que fait donc M. Schlumberger ? Est-ce qu’il ne demeure pas maintenant à Bâle avec son frère[6] ?
Hier nous avons eu un grand orage mais par bonheur nous n’avons pas été mouillés ; quand on est bien à l’abri c’est très amusant de voir tomber la pluie et de regarder passer les infortunés promeneurs qui sont trempés jusqu’aux os.
Marcel a commencé à travailler car il a apporté 2 liasses qu’il veut terminer ici ; je t’écris d’une petite chambre du haut où nous sommes installés tous les deux et d’où nous avons une belle vue de la mer et de la côte du Havre.
Adieu, Papa chéri, je t’embrasse de tout mon cœur et je me réjouis bien de te revoir. Marcel se joint à moi pour t’envoyer toutes sortes d’amitiés.
J’embrasse bien bon-papa et bonne-maman[7], j’ai l’intention de leur écrire prochainement.
ta fille
Marie
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff et Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Le coteau du Rangen est au-dessus de Vieux-Thann.
- ↑ Marie Mertzdorff et son époux Marcel de Fréville.
- ↑ Les Grands Magasins du Louvre, ouverts sous le Second Empire.
- ↑ Mme et Mlle Schlumberger
- ↑ Schlumberger
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 22 juillet 1880. Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Villers-sur-mer) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_22_juillet_1880&oldid=39971 (accédée le 18 décembre 2024).
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