Jeudi 17 juillet 1879
Lettre de Paule Arnould (Sceaux) à son amie Marie Mertzdorff (Vieux-Thann)
Sceaux 17 Juillet 1879.
Nous pensions l’une à l’autre le même jour, ma Marie chérie, (cela doit nous arriver souvent,) mais combien j’étais loin de me figurer par quelles inquiétudes tu passais. Tu es bien gentille de me les avoir écrites, sois-le encore, et dis-moi bientôt que cette chère Emilie[1] est absolument remise. Que je t’ai plainte ! que j’ai compris tes perplexités, tes angoisses ! Comme tu le dis, heureusement qu’il n’est resté de ce rêve affreux que ce dont tu as tant joui l’arrivée de ta Tante[2] chérie ! Je sens ce que sa présence a dû être pour toi, tu devais en être heureuse pour vous deux. Quoique tu me dises que vous n’avez plus aucune inquiétude, écris-moi, n’est-ce pas, que tes deux chers malades sont tout à fait bien. Tu as bien raison de me reprocher ma paresse à écrire depuis que vous êtes parties, mes Amies chéries. Je m’en veux encore plus en pensant que tous les jours de cette maladie, tu aurais dû recevoir une lettre de moi. Mes petites chéries[3], qui étaient une des causes que je puis mettre en avant pour m’excuser, sont parties hier. Cette maison qu’elles animaient tant depuis un mois paraît grande, silencieuse et un peu vide. La double pensée qu’on se quitte, et qu’on sera si longtemps sans se revoir, est bien un peu étouffante ; mais je ne veux conserver que le souvenir du bonheur que j’ai eu, et garder très vivant ce passé dans mon cœur, afin de ne pas me plaindre de son éloignement.
Je reste ici, Mathilde[4] aussi. Cette fin de mois finira d’ailleurs, très rapidement. Nous vivons beaucoup dans nos collégiens[5] qui sont tous les trois fort occupés de compositions, grands concours, etc., la distribution de Marcel est d’aujourd’hui en quinze. Ils viennent passer ici les demi-journées de repos qu’on donne après les grandes compositions. Nous partirons le 7 pour le Vivier[6].
Pourrais-tu croire que je n’ai pas vu notre chère Marie Flandrin depuis plus d’un mois ? Elle devait venir déjeuner ici aujourd’hui avec ses grands-parents[7], et les choses ne se sont pas arrangées. Son père et sa mère[8] sont à Plombières, et je crains qu’ils ne reviennent avant que nous n’ayons pu nous voir ; ce sera alors bien plus difficile à arranger, mais je ne désespère pas. Marie est à ce qu’il paraît tout à fait maîtresse de maison, elle s’occupe du ménage, de ses frères[9]. M. et Mme Desgoffe sont installés rue Garancière, Marie sort avec sa grand-mère, mais celle-ci n’entre guère que nominativement dans les détails de l’intérieur. Cette chère Marie est dans une grande joie, qu’elle vous a même peut-être dite ; Mme Biauzon[10] lui promet des leçons à des élèves de son cours pour l’hiver prochain ; ce serait quelque chose de très bon, parce que cela l’attacherait à ce cours, et elle est dans une joie si vraie, si simple, si franche et si courageuse qu’elle vous aurait touchées comme moi. Je ne crois pas faire d’indiscrétion en vous en parlant, attendez cependant pour lui en dire quelque chose qu’elle vous en ait dit le premier mot. A côté de cela, elle a bien du chagrin pour son père qui est toujours très souffrant, et pour son frère Joseph qui a eu successivement deux déboires dans des projets pour une erreur en recopiant son esquisse.
A bientôt, mon Amie chérie, dis à ta chère Tante que j’aurais été bien bien heureuse de la voir, et ce qui me rend plu triste, c’est la ce qui l’a empêchée de venir. J’espère que nous nous dédommagerons bientôt. En attendant je vous envoie à toutes trois de tendres baisers. Mère[11] et Mathilde se joignent à moi.
[ ] tendrement [ ]
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Marguerite et Justine Jeanne Biver, nièces de Paule Arnould.
- ↑ Mathilde Arnould.
- ↑ Edmond (fils), Louis et Marcel Arnould.
- ↑ La maison du Vivier à Trigny (Marne) bâtie par Victor Baltard.
- ↑ Alexandre Desgoffe et son épouse Anne Marguerite Jeanne Lemaire.
- ↑ Paul Flandrin et son épouse Aline Desgoffe.
- ↑ Joseph (futur architecte) et Louis Flandrin.
- ↑ Antoinette Caroline Aubert, épouse de François Biauzon.
- ↑ Paule Baltard épouse d’Edmond Arnould.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 17 juillet 1879. Lettre de Paule Arnould (Sceaux) à son amie Marie Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_17_juillet_1879&oldid=39883 (accédée le 22 décembre 2024).
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