Jeudi 15 décembre 1881 (B)
Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Nancy)
15 Décembre 1881
Quelles tristes nouvelles tu m’écris depuis trois jours, mon père chéri ! Je savais bien que notre chère tante[1] était très malade, mais pourtant je ne croyais pas que vous fussiez inquiets à ce point-là. Si tu savais combien je pense à toi, mon bon père, à vous tous et comme je voudrais être auprès de toi car tu dois être bien triste et bien malheureux. C’est si pénible de voir malades les personnes qu’on aime et ces moments d’inquiétude renouvellent tant de tristes souvenirs ! Les heures doivent te paraître bien longues quand tu es seul en bas sans occupations qui te captivent, et pensant que ta chère malade est en haut sans que tu puisses la voir de peur de la fatiguer. Tu peux du moins être sûr que par la pensée je suis toujours auprès de toi, cela te tiendra peut-être un peu compagnie, je le voudrais bien, cela me fait tant, tant de peine de savoir que tu es triste mon papa chéri, que je voudrais bien pouvoir te consoler.
Ne crois pas que lorsque tu m’adresses tes lettres Marie[2] reste sans nouvelles, je les lui envoie immédiatement de manière qu’elle les a presqu’aussitôt que moi et qu’elle est parfaitement au courant de tout ce qui se passe.
Quel bonheur que tante ne s’inquiète pas ; il me semble que ce serait encore plus pénible pour vous si vous la voyiez préoccupée ; mais c’est vraiment bien extraordinaire qu’étant si faible et si malade et conservant cependant toute sa présence d’esprit, elle ne s’aperçoive pas de la gravité de son mal. Parle-t-elle encore un peu ? ou bien est-elle sans cesse abattue ? Crois-tu que cela lui fasse plaisir de recevoir des lettres et m’engages-tu à lui écrire encore ?
Quand on est triste et inquiet on fait bien de s’occuper mais on n’y a pas beaucoup le cœur, on aimerait mieux rester sur soi-même et penser plutôt que de se trémousser pour aller à des cours ou faire des emplettes de jour de l’an. Pourtant aujourd’hui nous devons aller au cours de la Sorbonne puis ensuite chez le dentiste que nous avons manqué la dernière fois et nous devons faire encore bien d’autres courses dont j’ignore le détail.
Hier j’ai été à ma leçon d’anglais, puis chez M. Flandrin[3] ; tante[4] m’a menée ensuite chez Paule[5] où j’ai retrouvé Henriette[6] et de là nous l’avons emmenée puisqu’elle dînait ici ainsi que Rachel[7]. Toute la soirée Jean[8] et Rachel ont taquiné Marthe sous prétexte qu’elle avait bu une quantité de vin démesurée et on a fini par lui faire un procès dans les règles où oncle[9] était juge, Jean témoin et Rachel avocat ; Henriette était l’avocat général, Marcel[10] et moi nous composions le jury.
Adieu mon papa que j’aime je suis forcée de te quitter déjà car je veux encore écrire un mot à l’oncle Edgar[11] pour le remercier de sa lettre.
Écris-moi bien souvent, n’est-ce pas, j’ai tant besoin d’avoir des nouvelles. Je t’embrasse de tout mon cœur.
Émilie
J’ai écrit hier à cousine Élise[12] n’ayant pas le temps d’aller chez elle et pensant qu’elle n’avait peut-être pas de nouvelles aussi récentes et aussi complètes.
Notes
- ↑ Émilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
- ↑ Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville et sœur d’Émilie.
- ↑ Paul Flandrin, professeur de dessin.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Paule Arnould.
- ↑ Henriette Baudrillart.
- ↑ Rachel Silvestre de Sacy.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Marcel de Fréville.
- ↑ Edgar Zaepffel.
- ↑ Élisabeth Mertzdorff, épouse d’Eugène Bonnard.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Jeudi 15 décembre 1881 (B). Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Nancy) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_15_d%C3%A9cembre_1881_(B)&oldid=52306 (accédée le 13 octobre 2024).
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