Jeudi 13 et vendredi 14 août 1868 (B)
Lettre d’Eugénie Desnoyers (Paris) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris
13 Août 1868
Jeudi 11h du soir
Mon cher Charles,
Je viens de causer longuement avec mes chers parents[1], j’ai défait ma caisse, maman est encore restée avec moi, et il me semble bien juste, qu’avant de me coucher, je vienne dire un bon petit bonsoir à ce cher mari qui est là-bas tout seul, tout seul. Ta bonne lettre que j’ai lue bien vite en arrivant m’a fait bien plaisir. Je suis si heureuse d’avoir de tes nouvelles ; dans l’éloignement il faut se raisonner pour ne pas croire tous ceux qu’on aime malades.
Je vois avec bonheur le moment de notre réunion approcher. J’espère que tu seras content de nous. On trouve bonne mine aux enfants[2] surtout à Émilie qui est comme une bonne pomme à cidre bien mûre, Mimi a encore par moment de la pâleur, mais elle va bien. Tu seras meilleur juge que moi qui les regarde sans cesse. Nous avons fait très bon voyage et ne sommes pas fatiguées. Sois tranquille on soigne bien ta petite femme : L’oncle Alphonse[3] a été mon cavalier au départ, ficelant mes caisses, prenant mes billets &, et à l’arrivée à Paris j’ai trouvé Julien[4] m’attendant au chemin de fer avec une voiture ; tu vois que je n’ai pas grand peine à me tirer d’affaire. Nous avons mis à la consigne du chemin de fer de Mulhouse les boîtes dont je n’avais pas besoin et que je reprendrai Mardi soir en compagnie de Julien, car le cher garçon avait compris son devoir et m’a proposé de m’accompagner. De part et d’autre la violence est fort douce.
Je suis contente qu’on nettoie dans la maison et j’approuve Thérèse[5] d’employer tout ce qu’elle peut.
Quel dommage pour notre kiosque, il est si gentil.
Pauvre oncle Georges[6] il est donc bien pris ? Voilà plusieurs jours qu’il garde le lit, fais-lui bien toutes mes amitiés ainsi qu’à tante Georges[7].
Tu as raison de ne pas attendre que Thérèse soit mariée pour prendre un autre qu’Himmel et même si tu es tout à fait décidé, dis-le afin que ça revienne aux oreilles de Thérèse avant mon retour.
Je ne trouve pas mauvaise mine à maman, mais elle dit que sa gorge se prend bien facilement ; elle me paraît avoir de l’entrain ; elle est revenue hier de Montmorency avec son monde, Pauline[8] a l’air toujours bien malade.
Bonsoir, mon Ami chéri, j’espère que tu dors depuis longtemps. Je dépose auprès de toi les plus tendres baisers de ta petite femme qui t’aime de tout son cœur.
E.M.
Vendredi Midi ½
Merci pour ta bonne lettre. Je vais tâcher de trouver Mme Brossollet[9] pour avoir réponse aux questions que tu me poses pour les écoles. Maman et les enfants et moi allons sortir pour achat de robes, chaussures et chez le dentiste[10] &.
J’ai été avec nos fillettes chez Mme Auguste[11], on a été très aimable ; M. Auguste est parti hier pour Morschwiller[12] ainsi tu sais tout ce que je te dirais de ce côté. Les enfants vont bien on leur trouve bonne mine.
Adieu, mon cher Charles, Je t’embrasse de tout cœur. Les fillettes en font autant, elles vont toujours de plaisir en plaisir, et le dernier et le meilleur sera d’aller trouver ce cher bon père à Vieux-Thann
toute à toi
ta Nie
Papa, maman et Julien t’envoient leurs meilleures amitiés.
Papa va à l’Académie[13].
Notes
- ↑ Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
- ↑ Émilie et Marie (Mimi) Mertzdorff.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards, avec son épouse Aglaé Desnoyers, en villégiature à Villers-sur-Mer avec Eugénie.
- ↑ Julien Desnoyers.
- ↑ Thérèse Gross, cuisinière chez les Mertzdorff.
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Élisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
- ↑ Probablement une domestique des Desnoyers.
- ↑ D’après l’Almanach impérial de 1870, Mme Brossollet, demeurant 68 Boulevard de Strasbourg, est « Dame déléguée pour l’inspection du matériel et le contrôle des dépenses des salles d’asile ».
- ↑ Ernest Pillette, dentiste.
- ↑ Eugénie Duméril, épouse d’Auguste Duméril.
- ↑ Morschwiller où vivent Louis Daniel Constant et Félicité Duméril.
- ↑ L’Académie des inscriptions et belles-lettres.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Jeudi 13 et vendredi 14 août 1868 (B). Lettre d’Eugénie Desnoyers (Paris) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_13_et_vendredi_14_ao%C3%BBt_1868_(B)&oldid=61685 (accédée le 22 décembre 2024).
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