Dimanche 7 août 1881 (B)
Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Villers-sur-mer) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Villers 7 Août 1881.
Mon cher Papa,
Quel beau temps nous avons depuis que nous sommes ici ! que je me réjouis de te voir auprès de nous admirer la mer que tu aimes tant et puis aussi ta petite Jeannette[1] que tu aimes plus encore et qui j’en suis sûre te fera souvent tourner le dos à l’Océan. Cette pe chérie est toujours aussi bien portante ; en arrivant ici nous avons commencé par la conduire sur la plage mais le lendemain et le jour d’après elle a été si grognon, si criarde que nous avons renoncé à la conduire tout au bord de la mer ; elle passe ses journées entières de 8h du matin à 8h du soir dehors, soit dans le petit jardin soit dans une grande prairie qui est derrière la maison et où il fait délicieux ; son petit teint, déjà bien bruni à Launay, devient plus noir encore et ses joues roses sont ressemblent maintenant à des petites pommes d’api bien mûres. Elle est heureuse de tout ce qu’elle voit et rit très volontiers, seulement la coquine ne veut presque pas dormir dans le jour ni rester dans son berceau ; tout son sommeil est mis de côté pour la nuit pendant laquelle elle dort sans bouger. Mais je cesse de te parler de cette petite fille, tu pourrais t’imaginer qu’elle est plus gentille et plus avancée que la réalité, c’est encore un vrai poupon, très plongé dans la matière, ne t’attends donc pas, mon cher Papa, à rien d’extraordinaire. Depuis 6 jours que nous sommes à Villers nous n’avons encore rien fait de bien marquant. Marcel[2] a été repris de sa passion pour la pêche, il a un immense filet qu’il porte et traîne pendant des heures ; aujourd’hui il s’est privé de déjeuner pour profiter de la marée basse je ne sais ce qu’il nous rapportera. Vendredi il a fait une pêche miraculeuse en un coup de filet il a pris de quoi remplir 4 ou 5 saladiers pleins de petits poissons, dits harengais[3], comme ceux que nous mangions à Port[4]. Tu devines s’il a été heureux ; du reste c’est un excellent exercice. En dehors de la pêche Marcel travaille ici pour la Cour, pendant ce temps-là j’écris ou je travaille dans le jardin avec ma belle-mère[5] et Louise[6] au milieu de tous les enfants ; je t’assure qu’avec ce petit troupeau on ne manque pas d’animation. Jeanne est ravie de voir jouer ses cousins et eux sont on ne peut plus gentils avec elle. Nous allons aussi nous installer sur la plage mais jamais très longtemps à cause des repas de Jeannette qui ne nous accompagne pas. Le soir nous nous réunissons tantôt dans une maison tantôt dans l’autre[7] chaque maman ayant son bébé sur ses genoux pendant le dîner des nounous[8].
Jusqu’à présent nous n’avons pas encore fait de promenades mais j’espère que nous allons nous y mettre un peu.
M. d’Arleux[9] qui est ici aujourd’hui (il est venu voir son frère) m’a chargée de choses aimables pour toi.
Je viens de recevoir une bonne lettre d’Émilie[10].
Adieu mon cher Père, à bientôt j’espère, en attendant je t’embrasse de tout mon cœur, Marcel est de moitié dans toutes les amitiés que je t’envoie.
ta fille
Marie
J’embrasse bien bon-papa et bonne-maman[11], j’ai l’intention de leur écrire un de ces jours.
Notes
- ↑ Jeanne de Fréville.
- ↑ Marcel de Fréville.
- ↑ « Harengay », nom donné sur la côte de Haute-Normandie à une espèce de hareng (d’après les Descriptions des arts et métiers faites par M. M. de l'Académie Royale des Sciences de Paris, 1776).
- ↑ Port-en-Bessin, lieu de villégiature en 1872, 1874 et 1875.
- ↑ Sophie Villermé, veuve d’Ernest de Fréville.
- ↑ Louise de Fréville, épouse de Roger Charles Maurice Barbier de la Serre, et mère de Louis, Étienne, Maurice et René Barbier de la Serre.
- ↑ Voir la lettre précédente à sa sœur (du 6 août) dans laquelle Marie décrit les lieux.
- ↑ La nounou de René et celle de Jeanne (probablement « Marie »).
- ↑ Probablement Charles Morel d’Arleux.
- ↑ Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Dimanche 7 août 1881 (B). Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Villers-sur-mer) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_7_ao%C3%BBt_1881_(B)&oldid=56927 (accédée le 5 octobre 2024).
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