Dimanche 30 septembre 1888

De Une correspondance familiale


Lettre de Paule Arnould, épouse de Louis Duval (Crépy-en-Valois) à son amie Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou)


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Crépy-en-Valois - 30 Septembre [88]

50 rue Saint-Lazare.

Ma Marie chérie,

Je réponds toujours par de petits mots à tes lettres si bonnes, mais c’est mon seul moyen de ne pas tarder davantage ; nous sommes si dispersés dans ce moment, famille et amis ! J’ai cru savoir que tu avais des nouvelles de notre Marcel[1], me suis-je trompée ? en tout cas, je puis te dire que cela va très bien. Notre cher dernier a été sur pied au bout de dix jours, comme on le lui avait fait espérer, ou plutôt bien avant ; mais au bout de dix jours, il n’avait plus ni bandages, ni fils, ni rien de gênant, on l’a pourtant ménagé un peu, ne lui faisant faire que des promenades modérées et des excursions dans les environs de Paris. Je crois bien qu’il reprendra Mardi son collège, comme s’il ne s’était rien passé, en évitant seulement pour quelque temps les excès de fatigue. Quant à mon cher Bébé[2], il me semble que je dois être toute heureuse puisqu’il prenait 40 g par jour la semaine dernière et 47 celle-ci. Il a d’ailleurs, le pauvre petit, une toute autre figure qu’il y a un mois. Mon Dieu, que ce cauchemar me paraît loin, ma petite Marie, et pourtant qu’est-ce qu’un mois dans la vie ! Ce mois-ci m’a enlevé mon mari[3], et comme je ne vois pas la possibilité de réaliser mon cher projet de Versailles pendant ces quinze jours, je vais dans huit jours me rapprocher de lui en rentrant à Paris. Nous pourrons au moins nous retrouver quelquefois ainsi, faute de mieux. Je ramènerai les enfants[4] avec moi, et je pense sevrer Paul assez promptement sans toutefois me détacher complètement de sa nourrice, soit que je la garde chez moi, soit qu’elle vienne y passer seulement une partie de la journée. Quoique j’aille très bien, je veux me ménager encore un peu.

Je ne sais si ma lettre va te parvenir à Launay, ma petite Marie, si tu l’ouvres là, au milieu de tous les tiens, sois bien mon interprète, particulièrement auprès de Marthe[5], que je n’ai pas encore trouvé le temps de féliciter de la naissance de sa petite fille.

Nous ne savons donc pas quand nous nous reverrons, mon Amie chérie ; mais si je peux apercevoir quelqu’un des tiens à Paris, j’irai y savoir des nouvelles de vous et de tes chers enfants[6], dont tu ne me parles pas. Il me semble pourtant qu’ils ont dû bien t’occuper pendant ces mois d’été où la diminution du travail, pour Jeanne au moins, et l’absence du Luxembourg devaient te laisser une grosse part de la direction et de la surveillance de toutes les heures. C’est un rôle très doux pour le cœur, mais quelquefois un peu fatigant.

Je t’embrasse tendrement, ma Chérie ; et te charge de toutes mes amitiés pour ton Mari[7].

Ta vieille amie

Paule

Je viens de recevoir un billet de faire-part de la mort de notre petit cousin Morel [d'Arleux[8]. Je suis sûre que dans votre famille si unie ce sera une perte bien douloureusement ressentie. Il] me semble que lorsqu’on a des enfants, on ressent comme un écho de la douleur des pères et des mères, même si on ne les connaît pas et à plus forte raison quand on leur est attaché par des liens de famille.


Notes

  1. Marcel Arnould, le dernier-né du couple Edmond Arnould-Paule Baltard.
  2. François Duval-Arnould, né le 9 août 1888.
  3. Louis Duval (Duval-Arnould).
  4. Louise, Paul (né en septembre 1887) et François Duval-Arnould.
  5. Marthe Pavet de Courteille, épouse de Jean Dumas, et mère de Cécile Dumas, née le 13 septembre 1888.
  6. Jeanne, Robert, Charles et Marie Thérèse de Fréville.
  7. Marcel de Fréville.
  8. Louis Paul Morel d'Arleux (1875-1888), fils de Charles Morel d’Arleux et Léontine Harduin.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer cette page

« Dimanche 30 septembre 1888. Lettre de Paule Arnould, épouse de Louis Duval (Crépy-en-Valois) à son amie Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_30_septembre_1888&oldid=51432 (accédée le 14 novembre 2024).

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