Dimanche 30 janvier 1916
Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne)
30 Janvier
Mon cher Louis,
Voilà déjà quelques jours, il me semble, que tu es sans nouvelles de nous. La plus importante c’est l’arrivée de Michel[1] en permission et… dans la peau d’un aspirant !... Il est fort ennuyé, cela va sans dire, ton papa[2] bien plus ennuyé encore, tu le devines, car Michel arrange les choses (il tient un peu de moi pour l’optimisme). Le ColonelMoraillon va l’appeler à son régiment et il est entendu d’avance, d’après ce qu’il a écrit à son fils[3], que ceux qui ne seront pas sortis de Fontainebleau avec le galon l’auront très vite sur le front. C’est une malheureuse école à feu faite complètement à l’envers qui lui a valu ce nouvel avatar. Il nous avait annoncé sa maladresse il y a quelque temps et ton père en était demeuré assez soucieux. Les faits prouvent qu’il n’avait pas tort. Il est convenu que, pour le public, nous disons simplement que Michel retourne à son régiment aussitôt après sa permission, et personne ne s’en étonnera. Le grade se fait toujours un peu attendre. Pierre[4] ne l’a eu qu’au bout de 6 semaines.
Cet événement prime l’incursion du zeppelin dont nous avons été prévenus hier soir. Nous avons très distinctement perçu le bruit de la chute des obus, mais nous avons cru à une canonnade contre le zeppelin. Par le fait il n’y en a pas eu. Jacques[5] qui était venu sans permission régulière craignait que l’on ne fît un contre-appel et est reparti de bonne heure ce matin, mais il n’y a rien eu et il a pu revenir tout de suite.
Suzanne[6] qui paraissait commencer aussi la grippe va presque bien, mais voilà Geneviève[7] prise ce soir d’un gros accès de fièvre ! quand en sortira-t-on ? Les premiers pris ont repris une vie à peu près normale. Anne Marie[8] n’est cependant pas encore allée au cours.
Hélène[9] vient d’être encore assez souffrante et Riquet a depuis 3 semaines de la fièvre qu’on ne sait à quoi attribuer, dans le genre de ce que tu as eu jadis. On les envoie dans le Midi pour 3 mois. Hélène pense y emmener aussi ses filles. Anne Marie vient d’avoir une entorse ; il y a quelques jours Jeannette était la seule qui ne fût pas couchée.
J’ai envoyé hier un morceau de langue de bœuf à Dagens et Michel me dit qu’il est en permission, mais peut-être à la fin de sa permission. Je lui ai écrit que tu m’avais recommandé en partant de continuer les envois que tu lui faisais. Ton papa se joint à moi pour t’embrasser tendrement, mon cher enfant.
Emy
Notes
- ↑ Michel Froissart, frère de Louis.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Louis Gilbert Marie Moraillon a 3 fils, Georges, Antoine Denis Jean et le jeune Louis Marie Charles.
- ↑ Pierre Froissart, frère de Louis.
- ↑ Jacques Froissart, frère de Louis.
- ↑ Suzanne Degroote, 7 ans.
- ↑ Geneviève Degroote, 3 ans.
- ↑ Anne Marie Degroote, 8 ans.
- ↑ Hélène Duméril, épouse de Guy de Place et mère de Henry (« Riquet », 14 ans), Anne Marie (15 ans) et Jeanne (8 ans) de Place.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 30 janvier 1916. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_30_janvier_1916&oldid=53676 (accédée le 21 novembre 2024).
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