Dimanche 22 octobre 1916

De Une correspondance familiale

Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne)

original de la lettre 1916-10-22 pages 1-4.jpg original de la lettre 1916-10-22 pages 2-3.jpg


22 Octobre 16[1]

Mon cher Louis,

Voilà un certain temps, il me semble, que nous n’avons correspondu mais j’ai eu par Made[2] de tes nouvelles. Ou plutôt l’absence de nouvelles de ta santé, dans ta lettre de félicitations[3] m’a fait penser que tu n’avais rien à en dire ni en mal ni en très bien. Je puis t’en donner d’excellentes de Made et son mioche. Celles de tante Marie[4] sont moins satisfaisantes. Elle est excessivement agitée et divague presque constamment, mais elle a des moments de détente pendant lesquels sa lucidité revient partiellement. Elle s’use lentement, ne pouvant plus se nourrir, mais elle peut aller ainsi un certain temps encore. C’est bien pénible de voir l’intelligence et les forces s’en aller ainsi ! Nous sommes bien peu de chose décidément ! puisque nous ne pouvons même pas garder nos facultés !

Nous avons eu aujourd’hui le bon Dagens à déjeuner avec le cousin d’Elise[5], le dernier fils du député[6] qui vient d’entrer à Bossuet, en 1ère. Mais c’est Dagy[7] qui a fait tous les frais de la conversation. Ton papa[8] lui a fait raconter toute sa campagne dans l’Artois avec d’abondants et intéressants détails. Qu’il est gentil ce garçon avec sa grande et parfaite simplicité. Sais-tu qu’il a, outre la croix de guerre, la médaille militaire ? Ces insignes et l’absence de son bras lui donnent un grand prestige au patro où il va le Jeudi et le Dimanche. Il doit toujours t’écrire, mais il ne l’a pas encore fait. T’ai-je dit que ton papa l’a pourvu d’un bon lorgnon d’après l’ordonnance que lui a donnée l’oculiste militaire ? C’est ton père qui a bien voulu s’en occuper, mes longs séjours rue Montparnasse m’empêchant de le faire.

Je t’enverrai demain un colis de 6 bananes, chocolat et farines. Je pense que tu te ravitailles en nouilles. Veux-tu que je t’en envoie ?

Je t’embrasse tendrement, mon petit, et je t’envoie les amitiés de ton papa.

Emy

T’ai-je dit que nous avons vu le DocteurMayet qui a été aussi rassurant que possible ?


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Madeleine Froissart, épouse de Guy Colmet Daâge.
  3. Félicitations après la naissance de son fils Hubert Colmet Daâge.
  4. Marie Stackler, veuve de Léon Duméril, résidant rue Montparnasse.
  5. Elise Vandame, épouse de Jacques Froissart.
  6. Georges Vandame, époux de Madeleine Trois.
  7. Dagy, diminutif de Jean Dagens.
  8. Damas Froissart.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 22 octobre 1916. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_22_octobre_1916&oldid=53614 (accédée le 18 décembre 2024).

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