Dimanche 21 avril 1878

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1878-04-21 pages 1-4.jpg original de la lettre 1878-04-21 pages 2-3.jpg


Paris 21 Avril 78.
Jour de Pâques.

Bonjour, mon Père chéri, il est de très bonne heure encore et, comme je suis prête la première, je ne trouve rien de mieux que te venir chez toi t’embrasser bien fort comme je t’aime. Le jour s’annonce d’une façon superbe ; c’est le soleil levant qui est venu me chercher dans mon lit et il était si beau que je n’ai pu résister à son invitation ; je t’écris à la fenêtre ouverte (il est 7h1/2) les petits oiseaux chantent de toutes leurs forces, je trouve qu’on sent, en regardant par la fenêtre, que c’est aujourd’hui fête. Et toi, mon petit Père chéri, attends-tu aussi un beau jour de Pâques ? Que vas-tu faire cette après-midi ? Nous allons dans un instant partir à la messe et j’y penserai bien à toi, c’est le moyen de se rapprocher quand on est loin.

Emilie[1] t’a écrit hier de sorte qu’il ne me reste plus grand’chose à te dire mais nous avons été si peu exactes cette semaine qu’il faut réparer notre faute et la pénitence est douce puisqu’il s’agit seulement de causer avec toi qui est si bon et si indulgent. Je t’écris donc pour ne te rien dire et pour te répéter seulement ce qui est ancien et toujours nouveau c’est que nous t’aimons beaucoup, beaucoup.
Je m’attends un peu à voir arriver une lettre de toi ce matin et je voudrais bien qu’il fût déjà l’heure de la poste.

Quels sont tes projets ? Quand te verrons-nous arriver ? Tu sais que nous sommes à ta disposition et que quand tu le voudras nous serons prêtes à partir ; nos toilettes ne nous gêneront pas.

Nous avons peu de projets pour notre semaine de Pâques ; demain Lundi nous aurons un anglais à déjeuner puis, comme récréation extraordinaire, nous irons chez le dentiste[2] qui travaille toujours mes dents du devant. De là nous pousserons peut-être jusque dans le quartier de l’Europe chez Mmes Bonnard[3] et Lafisse[4]. Jeanne D[5] est sortie hier définitivement de Saint-Denis[6] la voilà maintenant installée chez sa tante c’est un changement de vie complet. Je plains beaucoup ces ceux sœurs qui n’ont pas été élevées ensemble et qui se connaissent si peu ; c’est si bon d’être deux et de ne pas se quitter.

Mardi nous resterons ici ; Mercredi j’irai chez M. Flandrin[7] et Jeudi comme nous n’avons pas de cours nous irons passer la journée à Bellevue chez Mme Baudrillart[8] ce dont nous nous réjouissons beaucoup.

1h. Je ne reprends que maintenant cette lettre commencée ; en rentrant nous avons déjeuné puis oncle[9] nous a fait faire un long tour dans la ménagerie, nous avons été ensuite chez bonne-maman Desnoyers[10] et enfin au laboratoire aussi nous ne faisons que rentrer, nous allons rester quelque temps tranquilles puis à la fin de la journée nous irons un peu aux vêpres.

Décidément les nouvelles de toi n’étaient pas encore pour aujourd’hui, j’espère que demain nous serons plus heureuses et que tu nous diras vers quelle époque tu comptes venir. Qu’as-tu écrit à tante Zaepffel[11] ?

Adieu et je pense à bientôt, mon petit Papa chéri ; je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime. J’embrasse aussi beaucoup bon-papa et bonne-maman[12] quoique j’aie toujours l’intention de le faire directement.
Ta fille affectionnée,
Marie ;

Tante[13] va dans un instant me donner les fameux comptes qui m’effraient tant !


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. E. Pillette, dentiste.
  3. Elisabeth Mertzdorff, épouse d’Eugène Bonnard.
  4. Constance Prévost, épouse Claude Louis Lafisse et tante de Jeanne Duval.
  5. Jeanne Duval, sœur d’Hortense.
  6. L’une des maisons d’éducation de la Légion d’honneur créées par Napoléon Ier.
  7. Marie Mertzdorff prend des leçons de dessin avec Paul Flandrin.
  8. Félicité Silvestre de Sacy, épouse d’Henri Baudrillart.
  9. Alphonse Milne-Edwards.
  10. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  11. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  12. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  13. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 21 avril 1878. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_21_avril_1878&oldid=39496 (accédée le 26 avril 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.