Dimanche 19 août 1888

De Une correspondance familiale


Lettre de Marthe Pavet de Courteille, épouse de Jean Dumas (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Perros-Guirec, station des Côtes-d'Armor, en Bretagne)


Fs1888-08-19 pages1-4-Mathe.jpg Fs1888-08-19 pages2-3-Marthe.jpg


19 Août 1888[1]

J’ai été longue à répondre à ton affectueuse lettre, ma bonne chérie et de plus j’ai manqué à tous mes devoirs de cadette en ne venant pas te souhaiter ta fête[2]. Ce n’est pas que j’aie oublié le 15 Août, ni celle que cette date me rappelait. Nous étions nombreux autour de toi il y a 10 ans dans cette même maison où tu te retrouves cette année, mais l’entourage a bien changé ! Je pensais à tout cela et j’avais projeté de t’écrire, mais un orage est venu à la traverse ! Le système nerveux de Madame s’est trouvé en ressentir si bien le contrecoup, qu’au lieu de prendre la plume elle n’a plus eu le courage de faire autre chose que de s’étendre sur son lit pour y passer, dans un état de torpeur et d’engourdissement la plus grande partie de l’après-midi. Voilà la cause d’un silence qui certes n’était pas de l’oubli et que je voudrais réparer en t’envoyant mes plus tendres amitiés. Être à Launay, et pour y attendre la naissance du petit être chéri qui sera mon enfant[3], me fait plus que jamais penser à toi. Tu t’y es trouvée dans des conditions tellement semblables[4] qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que ton souvenir me suive de très près. Sœur Camille[5] vient de s’annoncer pour demain ; mais que ne donnerais-je pas pour avoir comme toi, tu l’as eu, le bonheur de voir près de moi notre Tante chérie[6]. Ah comme en toute circonstance le vide de son absence se fait cruellement sentir. Comme il me paraît triste d’occuper si mal une place qu’elle remplissait si bien : comme ses chers conseils me font défaut ! chacun de nous se répétera plus d’une fois dans sa vie que rien ne peut remplacer la perte qu’il a faite. Pauvre Oncle[7] que de souvenirs Perros va réveiller en lui : il va t’arriver bien prochainement ; c’est demain matin qu’il nous quitte et je crois qu’il ira directement de Paris à Perros. Il ne sait pas encore au juste le jour, mais ce sera dans le commencement de la semaine je suppose. Je voudrais bien que le soleil vous favorisât pendant son séjour. Quel dommage de ne pouvoir pas voisiner cette année. Comme j’aurais aimé te voir arriver afin de t’embrasser et te présenter mon petit Poupon. Je t’envoie mille baisers bien tendres et toutes les amitiés des miens pour vous tous. Comme tu le sais Maman[8] est avec nous depuis 8 jours et je t’assure que nous jouissons bien l’une et l’autre d’être ensemble, ma grande sœur chérie, ne fût-ce que pour quelques heures.        


Notes

  1. Lettre sur papier-deuil.
  2. Fête de Marie, le 15 août.
  3. Cécile Dumas naître le 13 septembre 1888.
  4. Charles de Fréville est né à Nogent-le-Rotrou en juillet 1884.
  5. Religieuse qui vient aider lors de la naissance.
  6. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards, décédée en 1887.
  7. Alphonse Milne-Edwards.
  8. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer cette page

« Dimanche 19 août 1888. Lettre de Marthe Pavet de Courteille, épouse de Jean Dumas (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Perros-Guirec, station des Côtes-d'Armor, en Bretagne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_19_ao%C3%BBt_1888&oldid=51347 (accédée le 15 novembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.