Dimanche 18 septembre 1870 (A)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Bâle)
Ma chère petite Nie
Il faut aller sur les On-dit. Par les Vosges l'on espère pouvoir envoyer un courrier à Paris. A tout hasard j'ai écrit à Papa[1] la lettre est mise à la Poste avec celle-ci.
Nous n'avons pas encore eu la visite des Bavarois qui ont passé la journée de Vendredi & partie de Samedi à Mulhouse. L'on dit que se retirant vers le Rhin par l'arrivée de la garnison de Belfort ils ont été pris entre 2 feux par celle de Neuf Brisach. & grand succès, nous avons été toujours si malheureux que l'on a peine à croire au moindre succès. Succès du reste qui ne fera que retarder l'occupation de notre département.
Je continue toujours à me faire beaucoup de mauvais sang avec ma maudite mairie. Le pillage des forêts & vignes se fait sur une échelle immense. C'est la République répond-on aux agents. J'ai fait réunir le conseil municipal hier au soir. Nous allons armer 6 hommes pour donner main forte aux gardes.
Que c'est triste que d'être à la tête de pareille population.
hier & avant-hier pas la moindre lettre ni journal, même pas celui de Mulhouse, que c'est malheureux que de vivre ainsi loin les uns des autres. Chacun de son côté broyant du noir…
Ma santé est bonne ainsi que toutes celles des habitants d'ici. M. Jaeglé est bien rentré, non sans quelques aventures heureusement nullement fâcheuses qui lui ont permis de voir de près l'ennemi. Ce sont aujourd'hui de très agréables souvenirs pour lui. Mais je lui laisse le plaisir de vous conter cela lui-même.
Ces bruits de succès vont faire partir pas mal de notre monde pour Mulhouse, bien des jeunes gens qui se cachaient ces dernières nuits dans la forêt seront des premiers.
J'espère que dès demain les communications avec Bâle vont de nouveau être régulières, à tout hasard je t'adresse la présente ; hier je ne t'ai pas écrit.
Personne ne travaille depuis ton départ, ni chez nous ni chez les André. Mais hier au soir le village était très calme.
Profitant de la présence au Marché de femmes de Colmar, j'ai écrit aux Zaepffel[2] pour qu'ils sachent aussi ce que nous sommes devenus.
Nanette[3] n'est pas de retour & naturellement nous sommes sans nouvelles d'elle. Nous ne savons rien de Colmar, l'on dit le préfet[4] prisonnier.
Que faites-vous ? Que fait-on surtout à Paris ? voilà ce que je me demande. Si la nouvelle de la retraite des Bavarois est réelle je compte aller vous trouver & si vous voulez bien, vous rentrez dans vos foyers si vides lorsque tu n'y es pas.
En attendant je t'embrasse bien fort ainsi que les Enfants[5], amitié à Mme Jaeglé[6] (non Jaiglé comme tu écris) à laquelle tu diras que son mari se porte parfaitement bien, ce dernier a rencontré hier un abbé qui s'en allait à pied à Cernay s'il l'avait su une heure avant il était homme à s'en aller avec lui pour faire visite à ses parents[7]. Voilà ce que c'est que des maris garçons. Il lui faut des nouvelles & je ne serais pas étonné d'apprendre qu'il est parti ce matin pour Mulhouse avec MM. Bodener & autres. Je t'embrasse bien bien fort dans l'espoir que bientôt nous nous retrouverons réunis. tout à toi
Charles Mertzdorff
Dimanche matin 17 7bre[8]
Notes
- ↑ Jules Desnoyers.
- ↑ Emilie Mertzdorff et son époux Edgar Zaepffel.
- ↑ Annette, domestique chez les Mertzdorff.
- ↑ Jules Grosjean est nommé préfet du Haut-Rhin le 4 septembre 1870.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Marie Caroline Roth, épouse de Frédéric Eugène Jaeglé.
- ↑ Daniel Edouard Jaeglé et son épouse Anna Frédérique Wolff.
- ↑ Le 17 septembre 1870 est un samedi.
Notice bibliographique
D’après l’original
Annexe
Bâle
à remettre à Mme Mertzdorff, Missions strasse
Pour citer cette page
« Dimanche 18 septembre 1870 (A). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Bâle) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_18_septembre_1870_(A)&oldid=39431 (accédée le 14 octobre 2024).
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