Dimanche 17 avril 1881

De Une correspondance familiale


Lettre d’Émilie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1881-04-17 pages 1-4.jpg original de la lettre 1881-04-17 pages 2-3.jpg


Dimanche de Pâques

17 Avril 1881

Nous voilà à Launay depuis hier, mon papa chéri, le soleil n’a jamais été plus brillant, le ciel plus pur et la campagne plus jolie, aussi n’avons-nous pas encore quitté le jardin et les bois aujourd’hui.

Notre voyage s’est bien effectué, seulement nous sommes arrivés avec près d’une heure de retard parce qu’un peu avant les Essarts (quelques stations avant Rambouillet) le train parti de la gare Saint-Lazare et allant à Nantes s’est arrêté pour cause d’un accident à la machine ; nous sommes restés très longtemps à attendre qu’il ait pu gagner la station, puis là, nous avons fait une quantité de manœuvres pour prendre sa machine infirme à notre queue et mettre le train de Nantes à notre remorque, ce qui allongeait démesurément le nôtre et retardait sa marche. Enfin nous sommes arrivés et nous avons trouvé un omnibus qui nous attendait patiemment. Arrivés à Launay, nous avons défait bien vite nos paquets, qui du reste étaient peu considérables, et nous nous sommes promenés au jardin jusqu’au dîner, arrachant les mauvaises herbes. Ne pouvant plus sortir à la nuit, nous nous sommes couché avant 8 heures.

Ce matin nous sommes parties, tante[1], Marthe[2] et moi à 6h1/2 pour aller à la messe ; nous nous sommes promenés ensuite sur la butte, où oncle[3] a rencontré trois hommes faisant tranquillement leurs fagots dans les bois de bon-papa[4] ; oncle s’est empressé de les prier de les faire ailleurs et nous avons descendu les fagots sur notre dos, à la manière des enfants de Vieux-Thann, pour éviter qu’on revienne les chercher ; ces hommes ont dit à oncle pour toute excuse, que tout le monde en faisait autant ; réponse très consolante pour le propriétaire. Avant le déjeuner nous avons encore pu faire plusieurs parties de quilles, où ta fille a montré la plus rare maladresse, et n’a pas abattu une seule quille. Après le déjeuner nous nous sommes livrés au jeu de boule, et maintenant nous allons remettre de l’ordre dans notre toilette un peu dérangée par les fagots et les boules, puis nous irons aux Vêpres à 3h.

Hier en allant à la gare, tante et moi nous avons passé chez Marie[5] ; elle était en train de faire téter Jeanne[6], et a été fort surprise de nous voir.

Adieu mon père chéri. Je t’embrasse de tout mon cœur ; [ ] et il fait si beau. J’embrasse bien aussi bon-papa et bonne-maman[7] et je te charge de remercier tante Marie[8] pour la gentille lettre qu’elle m’a écrite.
Je te demande pardon de t’écrire d’une manière aussi peu lisible, mais les plumes et l’encre de Launay se ressentent de leur long isolement et de plus j’ai fait tant d’exercices violents que ma main en tremble encore.
Ta fille
Émilie


Notes

  1. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  2. Marthe Pavet de Courteille.
  3. Alphonse Milne-Edwards.
  4. Jules Desnoyers.
  5. Marie Mertzdorff-de Fréville, sœur d’Émilie.
  6. Jeanne de Fréville.
  7. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  8. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 17 avril 1881. Lettre d’Émilie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_17_avril_1881&oldid=39402 (accédée le 28 mars 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.