Dimanche 10 mai 1874

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1874-05-10 pages 1-4.jpg original de la lettre 1874-05-10 pages 2-3.jpg


Jardin des Plantes 10 Mai 74 <soir>

Mon père chéri

Que je voudrais en ce moment être petit oiseau pour te demander de tes nouvelles et t’embrasser mille fois mais cent lieues nous séparent et je ne suis pas petit oiseau il faut donc que je me borne à ce petit papier qui je l’espère te fera bien toutes mes commissions. Comment vas-tu mon petit papa mignon ? Je t’en prie donne-nous de tes nouvelles car nous sommes si ennuyés de te savoir souffrant aujourd’hui j’espérais bien recevoir un petit mot de toi.

Maintenant que je te dise que nous avons le bonheur de posséder les demoiselles Masterson[1].

Hier nous avons passé toute notre journée en arrangements faisant des rideaux, <>portant des meubles & et comme nous ne savions pas l’heure de leur arrivée à chaque bruit oncle[2] les annonçait alors nous courrions partout mais tu vois cela d’ici. Enfin comme à 3 h elles n’étaient pas là et que l’express de Boulogne arrivait à 6 h nous prenions avec tante[3] l’omnibus du Collège de France et nous attendons notre train très anxieuse car tantine ne les avait jamais vues. Enfin les voyageurs débarquent mais personne ne répond au signalement alors nous entrons dans la salle d’attente pour en observer les habitants et quelle n’est pas notre surprise de nous trouver nez à nez avec M. Paul Clavery qui arrivait de Londres nous le quittons bien vite de crainte de manquer nos cousines et nous nous mettons à rôder autour de deux dames se ressemblant un peu à ce que nous cherchions tante s’approche en leur demandant si elles ne sont pas Mlles Masterson mais un baragouin anglais nous fait comprendre que nous nous sommes trompées et nous recommençons notre pénible recherche mais efforts infructueux nous sommes obligées de reprendre le chemin du logis où nous arrivons à 7 h. Cependant tout espoir n’était pas perdu car un autre train arrivait à 8 ¼. En effet à peine étions-nous couchées qu’une voiture s’arrête devant la porte, tante descend et nous nous précipitons au haut de l’escalier enveloppées de nos édredons mais nous ne voyons que des voiles bleus.

Ce matin j’étais un peu fatiguée aussi n’ai-je pas été à la messe de 8 h je suis restée tranquillement à lire jusqu’au déjeuner. Puis tante Cécile[4] est arrivée mais pas de les cousines ne sortaient pas de leur chambre. A <11 h ½> je suis partie avec tante à la messe d’une heure à St Merry et en rentrant nous avons trouvé tout le monde dans la salle à manger. Après quelques hésitations j’ai paru devant les cousines qui m’ont paru bien drôlement habillées mais très bien.

Elles sont extrêmement frileuses aussi avaient-elles 5 ou 6 cravates tant pour l’ornement que pour la chaleur un grand tricot blanc couvrait leurs épaules et un autre tricot garni de perles était placé sur leurs têtes de plus elles tenaient à la main une fourrure et un voile bleu pour s’envelopper. Elles sont excessivement faibles et ne prennent presque que du pain du beurre et du thé. Elles savent assez bien le français mais tant que je les ai vues elles n’ont parlé presque qu’anglais. Mme Pavet[5] est en ce moment avec elles tandis que tante est au <   > avec les enfants, moi je suis restée car je suis encore un peu lasse. Mais j’espère Je crois mon petit père que tu es <bien> au courant de nos voyageuses que j’espère tu verras bientôt. Je n’ai pas d’autres faits importants à te communiquer si ce n’est que je t’aime de toutes mes forces et que j’aspire au moment de t’embrasser. M C’est Emilie[6] qui devait t’écrire aujourd’hui mais la petite horreur est si contente d’être en vacances qu’elle n’en a pas trouvé le temps. En attendant qu’elle le fasse je t’embrasse bien fort de sa part. Toutes mes amitiés à bon-papa et à bonne-maman[7] que nous attendons avec grande impatience.

Adieu mon petit papa je t’embrasse de tout mon cœur ta fille affectionnée.

Marie Mertzdorff


Notes

  1. Amélie Masterson et sa sœur, cousines anglaises.
  2. Alphonse Milne-Edwards.
  3. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  4. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  5. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  6. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  7. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 10 mai 1874. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_10_mai_1874&oldid=39290 (accédée le 18 décembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.