Vendredi 8 octobre 1880

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Le Houssay dans l’Orne) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1880-10-08 pages 1-4.jpg original de la lettre 1880-10-08 pages 2-3.jpg


Le Houssay 8 Octobre 80

Mon cher Papa,

Je viens de calculer qu’il ne pourra plus arriver de lettre de moi à Vieux-Thann avant Lundi et comme je sais que ce jour-là tu seras de nouveau tout seul[1] je veux au moins que tu aies une petite visite de moi ta grande fille qui vienne te dire qu’on pense bien à toi.
La maison va te sembler singulièrement vide maintenant aussi vois-tu mon petit Père chéri, il ne faudra pas y rester trop longtemps ; tu as pris bien peu de vacances cette année et tu pourras parfaitement venir faire un petit tour à Paris avant que le mauvais temps ne commence.
Je n’ai pas trop osé te demander tes projets au moment de mon départ car lorsqu’on se sépare on aime mieux penser que ce ne sera pas pour longtemps et ne pas s’exposer à recevoir un démenti, mais depuis j’y ai pensé souvent et j’espère qu’en effet tu ne tarderas pas à venir voir notre installation d’hiver.

Si Vieux-Thann n’était pas si terriblement loin nous irions peut-être passer avec toi notre dernière quinzaine d’Octobre ; Marcel[2] ne sera pas rappelé à la Cour, nous ne pouvons pas rester plus tard ici puisque mon oncle[3] craint beaucoup le froid, et ce matin justement Marcel parlait du plaisir qu’il aurait à passer encore quelques jours en Alsace ; malheureusement cette coquine de distance est là pour empêcher la réalisation d’un si agréable projet et nous nous contenterons le 16 ou le 18 de prendre la route de Paris et de rentrer en possession de notre petite maison[4] ; j’espère qu’à ce moment-là nous aurons quelqu’un pour faire notre ménage, car la poussière s’est établie en souveraine chez nous et il faudra un plumeau actif pour la faire déloger, de plus nous rapportons de tous nos séjours à la campagne un appétit respectable qui demande à être satisfait autrement que par des petits gâteaux secs et les cornichons de Thérèse[5].

J’ai reçu de matin une bonne et longue lettre d’Émilie[6], qui me parle de tout ce que vous avez fait et ferez. Je vois qu’un feu roulant de dîners, d’après-midi et de visites a commencé et tu me trouveras peut-être un peu égoïste quand je te dirai que je me réjouis que toutes ces cérémonies n’aient pas eu lieu avant notre départ, à la longue cela devient très ennuyeux et cela gâte un peu notre bon Vieux-Thann d’autrefois ; à la bonne heure pendant que nous étions là il était comme je l’aime.

Je vois que j’approche de la fin de ma lettre et je m’aperçois que je ne t’ai pas encore parlé de nous ; c’est que nous menons une petite vie bien calme et bien tranquille et il suffit de vous avoir raconté une journée par le menu pour que vous ayez l’histoire de toutes les autres. Le temps continue à être très incertain et quand il se décide à quelque chose c’est toujours à la pluie ; les chemins commencent à être fort détrempés et les prairies près des petites rivières sont inondées en partie ; on se plaint beaucoup de cet excès d’humidité qui arrête les travaux.

Adieu mon Père chéri, je t’embrasse aussi fort que je peux tâchant de remplacer autant que possible les bons petits baisers qu’Émilie te donnait tous les matins.

Marcel fait toujours de la photographie avec une grande ardeur ; n’est-ce pas que je suis très bien ? J’oublie de te demander pardon de l’affreux semblant de lettre qui accompagnait les deux épreuves. La vue du Houssay a été prise par mon oncle, c’est lui qui nous l’a donnée pour te l’envoyer.

Marcel t'envoie ses meilleures amitiés.


Notes

  1. Après le départ d’Emilie Mertzdorff et des Milne-Edwards.
  2. Marcel de Fréville, époux de Marie Mertzdorff.
  3. Louis Villermé.
  4. Le pavillon de la rue Cassette.
  5. Thérèse Neeff, la bonne de Charles Mertzdorff.
  6. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 8 octobre 1880. Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Le Houssay dans l’Orne) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_8_octobre_1880&oldid=36106 (accédée le 15 novembre 2024).

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