Vendredi 2 juin 1876
Lettre de Marie Mertzdorff (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Launay le 2 Juin 1876.
Mon Père chéri,
Nous voilà donc à Launay ! Je t’écris à moitié couchée dans l’herbe sous un arbre auprès du champignon ; il fait un temps superbe ; les rhododendrons sont en pleine fleur, les prairies aussi de sorte que c’est ravissant et les petits oiseaux gazouillent à qui mieux mieux le seul inconvénient ce sont des fourmis en quantité qui ont déjà fait déménager Emilie[1] mais moi je suis plus philosophe et je reste.
Nous attendons oncle[2] et Jean[3] ce soir à 9 heures car ce pauvre onclin avait encore une leçon à faire à 2h puis demain pour le dîner arriveront bon-papa et bonne-maman Duméril[4]. Nous sommes ravies d’être ici ; notre voyage s’est très bien passé, nous étions dans le compartiment des dames et n’avions que deux compagnes d’infortune (car le trajet était peu agréable c’était une vraie cure de poussière) une dame que nous supposons être une jeune veuve et qui nous a quittées à Rambouillet, et une autre fort bien aussi qui a pris quantité de notes sur son carnet et que j’avais d’abord accusé de faire une caricature.
Nous étions ici à 2h ; nous avons trouvé bonne-maman[5] très bien, allant et venant dans la maison et ne craignant pas de sortir un peu, évidemment elle se porte mieux ici que dans son appartement au 3ème à Paris. Nous avons fait de suite le tour du jardin puis comme il faisait un peu frais nous sommes rentrées, avons rangé nos affaires, travaillé un peu, dîné, puis enfin nous nous sommes couchées pour ne nous réveiller que fort tard ce matin. Après le café nous sommes descendues avec tante[6] à Nogent faire quelques petites commissions et envoyer une dépêche à oncle pour le prier d’apporter une couverture de voyage.
Nous avons déjeuné puis Emilie et moi avons fait un petit tour et maintenant nous voilà tous installés dehors. Je vais probablement me mettre à dessiner mais je ne sais trop comment m’y prendre et je soupire après toi mon petit professeur chéri avec lequel j’aime tant travailler. Je ne peux pas faire le château il est beaucoup trop loin, un arbre c’est trop difficile aussi vais-je me rejeter sur une modeste pervenche. Nous projetons pour Dimanche une grande promenade à Bellême nous prendrions une voiture pour la journée et emporterions notre déjeuner je crois que ce sera très amusant mais si cela s’arrange je ne pourrai pas t’écrire ce jour-là ; je te préviens donc d’avance mon petit papa chéri afin que tu ne t’inquiètes pas si tu ne reçois pas de lettre et que tu ne croies pas pour cela que nous t’avons oublié, si tu savais au contraire comme nous pensons à toi ; à chaque instant je te regrette, je veux te montrer quelque chose ; Launay nous rappelle tant de souvenirs ! Nos petites boutures de rhododendrons ont pris du moins en partie te rappelles-tu le jour où nous les avons faites ? Jean a trouvé trois petits hérissons qui sont extrêmement drôles et aussi gentils que peuvent l’être des animaux de ce genre. Il y a aussi plusieurs nids.
Adieu, mon petit Père chéri, mignon que j’aime ; je t’embrasse de tout mon cœur. Quel ennui que les lettres mettent deux jours.
Ta fille Marie
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 2 juin 1876. Lettre de Marie Mertzdorff (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_2_juin_1876&oldid=35854 (accédée le 18 décembre 2024).
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