Vendredi 25 juin 1915

De Une correspondance familiale


Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (Paris)


original de la lettre 1915-06-25 pages 1-4.jpg original de la lettre 1915-06-25 pages 2-3.jpg


BRUNEHAUTPRE
CAMPAGNE-LES-HESDIN
Brimeux
Pas-de-Calais
[1]

25 Juin

Mon cher Louis,

Cette lettre n'arrivera peut-être pas beaucoup avant vous à Paris, mais elle te dira que je pensais à toi à Brunehautpré et que j'avais le souci de te faire partager notre vie.

As-tu vu Pierre[2] ? j'espère que oui ; j'y ai pensé beaucoup Mercredi tout en roulant et hier en pontifiant et je faisais bien quelques petits péchés d'envie en pensant que tu voyais peut-être notre cher aspirant. Enfin notre tour viendra aussi.

Ton papa[3] t'a, je crois, associé d'une manière active à ses occupations en t'envoyant de l'argent et des instructions télégraphiques au sujet d'une commande d'essence.

Albert[4] est arrivé hier soir et nous l'emmenons à Dommartin et Bamières d'où il gagnera Fressin[5]. Nous allons recevoir la famille de réfugiés qui arrive de la Dordogne. Victor[6] vient de partir avec un chargement de lits de bois, paillasses, couvertures etc.

La cérémonie d'hier a été très belle et d'une exactitude ponctuelle. Beaurainville, Loison[7] et Gouy étaient confirmés ici. Nous avons dîné au presbytère et Monseigneur[8] a soupé ici avec son Vicaire Général[9]. Nous avons invité Mme Drancourt et M. Louis Brasseur de Jumel[10]. Ce missionnaire Père Blanc qui a fait 30 ans d'Afrique nous a raconté des choses qui t'auraient bien intéressé.

Brunehautpré est ravissant dans sa parure de roses et de chèvrefeuilles dont les murs sont tout garnis et la maison toute parfumée. C'est exquis et c'est dommage de n'y pas rester mais l'attrait de revoir des fils l'emporte de beaucoup sur celui des roses et des parfums. A propos de parfums Mme Prot[11] nous télégraphie ce matin qu'elle arrive Lundi parce que son mari peut venir passer 24 h ici Mardi. Elle ne dit pas si c'est de Lundi à Mardi ou de Mardi à Mercredi. Quoi qu'il en soit, notre projet de partir Mardi reste ferme. J'en ai pour garantie l'expiration du permis de circulation de l'auto. Nous irons coucher à Wimereux Mardi et arriverons à Paris Jeudi soir, je pense, à 18h 50 à moins d'avis contraire.

J'ai envoyé ma vie de St François[12] à Michel. Je n'ai pas encore achevé la Guerre Allemande et le Catholicisme[13], je n'en ai même pas lu une seule page en route ; nous avons rencontré du monde de connaissance et on a tout le temps parlé ! Lucie[14] a dû faire une nouvelle tentative Mercredi pour voir Henri chez la cousine Lefrançois à Domléger[15], je ne sais pas encore si elle a réussi. Je t'embrasse tendrement, cher petit et t'envoie les amitiés de ton papa et ses remercîments pour ce que tu auras fait. Il dit que le fournisseur d'essence attendait paraît-il, l'autorisation du chemin de fer pour envoyer ici l'essence. Il se peut qu'il se soit présenté rue de Sèvres pour toucher avant que tu aies reçu l'argent ou en ton absence. Comme nous sommes presque sans essence, cela urge et ton père te demande de relancer le fournisseur s'il est besoin, afin qu'il reçoive satisfaction s'il n'a pas réussi à se faire payer à sa première démarche chez nous.


Notes

  1. Papier à en-tête imprimé.
  2. Pierre Froissart, frère de Louis.
  3. Damas Froissart.
  4. Albert Tréca.
  5. Fressin, arrondissement de Montreuil, comme Campagne-les-Hesdin.
  6. Victor Blaud.
  7. Loison-sur-Créquoise.
  8. Émile Louis Cornil Lobbedey (1856-1916), évêque d'Arras, Boulogne et Saint-Omer depuis 1911.
  9. Probablement le vicaire général Rambure (†1919).
  10. Jumel, dans la Somme.
  11. Anne Marie Colmet Daage épouse de Pierre Prot.
  12. Probablement l’une des nombreuses éditions du XIXe siècle de La vie de St François de Sales par Jacques Marsollier (1647-1724).
  13. Probablement La Guerre allemande et le catholicisme, sous la direction de Mgr Alfred Baudrillart, Paris, Bloud et Gay, 1915, 304 pages.
  14. Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote.
  15. Domléger dans la Somme (arrondissement d’Abbeville).

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 25 juin 1915. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_25_juin_1915&oldid=55956 (accédée le 26 avril 2024).

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