Vendredi 11 septembre 1846
Lettre d’Auguste Duméril (Alost en Belgique) à sa mère Alphonsine Delaroche (Paris)
d’André Auguste Duméril.
Alost Vendredi 11 septembre 1846 midi.
Tu as dû être un peu étonnée, ma chère maman, d’après les détails contenus dans notre lettre d’hier, que nous eussions l’idée de mettre à exécution notre projet de départ. Il n’y avait pas une heure que ma lettre était partie, que déjà nous y avions renoncé. En effet, Adèle[1] qui dormait au moment où je t’écrivais s’est réveillée peu de moments après, avec la peau brûlante et le pouls à 130 pulsations. Il fallait nécessairement rester, car on ne pouvait pas espérer que 3 ou 4 heures après, cet accès de fièvre serait terminé. J’ai écrit aussitôt à Constant[2], à Bruxelles, pour lui annoncer ce retard. On a couché Adèle, qui est restée endormie toute la journée, avec le pouls à 120, 124, 126, mais pas au-delà, et la peau sèche et mordicante : la soif était modérée : on donnait de l’eau de riz, à cause de la diarrhée, et la faim était nulle. Enfin, le soir, à 10 heures, la chaleur sèche a été remplacée par une transpiration assez abondante ; mais comme le sommeil persistait, bien que calme, j’appliquai de petits cataplasmes sinapisés, qui déterminèrent de la rougeur, aux cous-de-pied : leur effet apparent fut nul ; cependant, c’est à partir de ce moment, que l’état de cette chère petite a paru devenir meilleur, je dis meilleur, comparativement, car je n’avais pas d’inquiétude, puisque je savais que cette indisposition était causée par la très prochaine éruption de la dent. La nuit a été bonne : elle ne nous a réveillés que 2 fois, parce qu’elle avait fait dans son lit, et ce matin, elle est bien : elle est levée depuis huit heures, et se promène avec sa bonne[3] : elle est pâle, elle paraît fatiguée, et est un peu abattue, mais la peau est fraîche et elle n’a plus de fièvre du tout, de sorte qu’il ne faut pas du tout vous préoccuper de cet état d’hier, qui a complètement cessé, et vous pouvez être parfaitement assurés que je ne vous cache rien. Elle va prendre un peu de chocolat cuit, avec un peu de pain de Bruxelles. La dent n’est pas percée : mais elle est tellement près de sortir, que cela ne pourra plus tarder maintenant. Eugénie, qui avait été fatiguée, dans la nuit du mercredi au jeudi, parce qu’Adèle avait mal dormi, a été assez bien pour faire hier avec nous, dans l’après-midi, une assez longue promenade, mais cette nuit, elle a eu d’assez fortes coliques, accompagnées de dévoiement, ce qui continue ce matin, de sorte qu’elle a sur le ventre un cataplasme laudanisé[4], et qu’elle garde la diète, mais j’aime à espérer que ce sera fini ce soir. Voilà notre départ ajourné, nous ne pouvons pas le fixer : il ne faut donc plus tenir compte des dates que je t’avais envoyées, pour les lettres que tu aurais pu nous adresser en Allemagne. Je t’écrirai demain, pour te faire connaître nos nouveaux plans. Je viens de descendre à la cuisine, pour voir si Adèle prenait bien son chocolat : elle est si contente, qu’elle ne laisse pas, à sa bonne, le temps de souffler sur la cuiller : c’est, vous le voyez, signe qu’elle a bon appétit.
Adieu, ma chère maman, nous vous envoyons à tous, dans les deux maisons[5], mille tendres amitiés.
Notes
- ↑ Adèle Duméril, fille d’Auguste et Eugénie, née en 1844.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril, frère d’Auguste.
- ↑ Probablement Sophie.
- ↑ Le laudanum est un médicament liquide à base d’opium.
- ↑ Les parents d’Auguste résident rue Cuvier et ceux d’Eugénie rue Saint-Victor.
Notice bibliographique
D’après le livre de copies : Lettres de Monsieur Auguste Duméril, 2ème volume, « Voyage à Lille, à l’époque du mariage d’Eléonore, et en Belgique. Détails sur la dysenterie d’Adèle. 1846 », p. 442-445
Pour citer cette page
« Vendredi 11 septembre 1846. Lettre d’Auguste Duméril (Alost en Belgique) à sa mère Alphonsine Delaroche (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_11_septembre_1846&oldid=35726 (accédée le 18 décembre 2024).
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